Sous la pression de Washington, Bruxelles a signé un compromis qui évite l’escalade tarifaire… au prix d’un réalignement stratégique majeur. Derrière l’annonce d’un “succès historique”, l’Europe s’engage dans une relation commerciale asymétrique qui inquiète industriels et diplomates.



Dimanche 27 juillet 2025, Donald Trump et Ursula von der Leyen ont officialisé un accord commercial global entre les États-Unis et l’Union européenne. Annoncé en grande pompe comme un “partenariat renforcé”, ce compromis met fin à des mois de tensions douanières. Mais il soulève déjà de sérieuses interrogations sur la résilience industrielle de l’Europe face à une stratégie américaine de plus en plus offensive.

Concrètement, l’accord fixe à 15 % les droits de douane sur la majorité des exportations européennes vers les États-Unis — une hausse nette par rapport au tarif moyen antérieur de 2,5 %, notamment sur les secteurs stratégiques : automobile, produits pharmaceutiques, semi-conducteurs. En échange, l’UE s’engage à acheter 750 milliards de dollars d’énergie américaine et à investir 600 milliards supplémentaires outre-Atlantique.

La manœuvre évite certes l’imposition immédiate de surtaxes de 30 %, redoutées par les industriels européens. Mais plusieurs observateurs y voient un “soulagement de court terme, à coût élevé”. Car cet accord ne touche pas aux tarifs punitifs existants : 50 % sur l’acier et l’aluminium sont maintenus, tout comme les menaces de nouvelles hausses en cas de désaccords ultérieurs.

Dès l’annonce, les premières réactions n’ont pas tardé. En Allemagne, les industriels de l’automobile dénoncent une décision qui “plombe la compétitivité européenne sur le marché américain”. Dans le secteur pharmaceutique et des composants électroniques, les inquiétudes sont tout aussi vives : les autorités américaines maintiennent des enquêtes en cours, laissant planer le risque d’une future salve tarifaire.

Les premières projections économiques livrent un tableau contrasté. La croissance de la zone euro pourrait être amputée de –0,4 % dès 2026, principalement en raison d’une contraction des exportations. À l’inverse, une légère baisse de l’inflation (–0,1 %) pourrait conforter la Banque centrale européenne dans une posture monétaire plus accommodante.

Mais sur le plan géopolitique, l’accord marque surtout une inflexion stratégique. Washington impose ses règles du jeu : droits de douane assumés, incitations massives aux investissements directs, et politique énergétique sécuritaire à son avantage. Pour l’Europe, le choix est cornélien : accepter une relation déséquilibrée pour préserver la stabilité, ou résister au risque d’un affrontement frontal.

La Russie, sans surprise, a vivement réagi. Sergueï Lavrov a qualifié l’accord d’“accélérateur de désindustrialisation européenne”, pointant des achats énergétiques américains “nettement plus chers que les ressources russes” et une “fuite programmée des investissements”. Une critique intéressée, certes, mais qui souligne un dilemme réel pour Bruxelles : celui d’une autonomie stratégique qui s’éloigne à mesure que les liens transatlantiques se renforcent.