Les États-Unis envisagent d’ouvrir l’accès aux semi-conducteurs de pointe à l’Arabie saoudite, malgré les tensions stratégiques avec la Chine. Une manœuvre technologique qui illustre comment le capitalisme globalisé, les bourgeoisies compradores et les politiciens corrompus s’articulent autour de l’intelligence artificielle pour consolider un nouvel ordre économique mondial.
Les États-Unis vont augmenter l'accès de l'Arabie saoudite aux puces AI malgré les préoccupations liées à la Chine : derrière cet intitulé géopolitique se cache une transformation profonde du capitalisme contemporain. L’accord, piloté par l’administration Trump, vise à autoriser Riyad à acquérir des semi-conducteurs avancés de firmes américaines comme Nvidia ou AMD, les joyaux de la puissance algorithmique moderne. Officiellement, il s'agit d'aider un partenaire stratégique à développer ses capacités numériques. Officieusement, c'est une partie d’échecs planétaire, où les intérêts privés, les réseaux politiques et les ambitions autoritaires s’imbriquent sous le vernis technologique.
L’intelligence artificielle n’est plus seulement un domaine d’innovation. Elle est devenue une arme diplomatique, un levier de contrôle économique et un outil d’alignement géopolitique. En offrant à l’Arabie saoudite l'accès à ces technologies tout en gardant un droit de regard sur l’utilisation de ces puces, Washington consolide son influence dans la péninsule arabique, tout en verrouillant les portes de l’Orient à Pékin. Ce partenariat vise à limiter l’accès indirect de la Chine à ces ressources stratégiques via le cloud saoudien, révélant la crainte d’un détournement invisible, mais potentiel, des flux d’intelligence computationnelle.
Mais ce qui mérite d’être souligné, c’est la mécanique économique sous-jacente à ces transactions. Le pouvoir des bourgeoisies compradores, qu’elles soient saoudiennes, chinoises, haïtiennes ou africaines, se nourrit de ce type de dépendance technologique importée. Elles ne créent pas, elles consomment des infrastructures conçues ailleurs. Elles ne bâtissent pas de souveraineté numérique, elles gèrent des centres de données sous tutelle algorithmique américaine. Le profit se fait par la rente, l’accès privilégié, la proximité avec des firmes comme Nvidia ou AMD – pas par la production locale ou l’innovation souveraine.
En retour, les politiciens corrompus, les régimes autoritaires et les élites complices s’enracinent davantage dans la connivence structurelle avec les multinationales. Ce sont eux qui signent les accords, rédigent les lois favorables aux entreprises technologiques occidentales, facilitent l’implantation de serveurs, négocient les conditions de transfert de données. Leur survie politique se lie à la continuité d’un système où la donnée devient pétrole, et où les semi-conducteurs remplacent les armes comme outils de domination.
Cette logique s’étend au Sud global. En Haïti, pays en ruine mais toujours sous influence, ce type d’alignement n'est pas numérique mais économique. Les élites compradores importent, consomment, distribuent – jamais ne produisent. Elles pactisent avec des puissances étrangères pour conserver leur rente de situation, pendant que les masses plongent dans le chaos institutionnel, alimentaire et sécuritaire. Le schéma est identique : quelques-uns s’enrichissent grâce à leur capacité à servir d’intermédiaires entre les puissances technologiques et les marchés captifs. Ils échangent leur souveraineté contre du silicium.
Les puces AI ne sont pas neutres. Elles sont politiques, coloniales, financières. L’accord américano-saoudien, s’il est confirmé, ne fera que renforcer un modèle de capitalisme asymétrique où l’innovation est centralisée, la production concentrée et la consommation externalisée dans les États à la gouvernance fragile. Ce sont ces mêmes logiques qui expliquent pourquoi, dans les pays du Sud, la numérisation croissante n'entraîne pas une montée en puissance locale, mais plutôt une extension silencieuse de la dépendance.
À terme, l'enjeu n’est pas simplement de savoir si la Chine pourra accéder ou non aux données hébergées à Riyad. Il est de comprendre comment les États-Unis redessinent l’ordre technologique mondial, en s'appuyant sur une aristocratie internationale de politiciens dociles, de capitaines d’industrie sans souveraineté et de clients fidèles dans les sphères oligarchiques.
L’intelligence artificielle devient ainsi le nouveau terrain de jeu du capitalisme impérial, et les bourgeoisies compradores en sont les figurants consentants. Un modèle qui ne crée ni justice économique, ni émancipation, mais qui perpétue une fracture technologique mondiale sous couvert de sécurité, de croissance et d’innovation.
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