Quatre ans après le meurtre du président haïtien Jovenel Moïse, la justice intensifie son enquête en convoquant d’anciens dignitaires du régime. Des auditions décisives s’ouvrent à la Cour d’appel de Port-au-Prince sur fond de cavales, d’exils et de pressions politiques.



Port-au-Prince, mardi 17 juin 2025 – 17h20. L’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse, survenu dans la nuit du 7 juillet 2021, entre dans une phase cruciale. À l’issue de l’audition des dix-sept ex-militaires colombiens accusés d’avoir participé au magnicide, le juge Emmanuel Lacroix, chargé du dossier, a annoncé la convocation de plusieurs anciens hauts responsables politiques et administratifs haïtiens. L’objectif affiché : faire toute la lumière sur les complicités et défaillances internes ayant permis ce crime historique.

Parmi les personnalités attendues à la Cour d’appel de Port-au-Prince dès ce mercredi 18 juin, figurent en premier lieu l’ancienne Première dame Martine Moïse, survivante de l’attaque, l’ex-Premier ministre Claude Joseph, l’ancien directeur général de la Police nationale Léon Charles, le chef évadé de la sécurité présidentielle Dimitri Hérard, ainsi que Renald Lubérice, Ardouin Zéphirin, et Jeantel Joseph.

Ces convocations relancent l’espoir d’une vérité judiciaire longtemps attendue par la population haïtienne, dans un pays où l’impunité gangrène depuis des décennies les institutions publiques. Pourtant, les obstacles restent nombreux. Plusieurs des convoqués se trouvent à l’étranger, et certains, comme Dimitri Hérard, échappent toujours à la justice haïtienne après une évasion spectaculaire en mars 2024.

Cette nouvelle phase de l’instruction intervient dans un climat sécuritaire et politique toujours délétère. Les relations entre les factions politiques, les institutions judiciaires, et les acteurs de la communauté internationale restent tendues, alors que le dossier Moïse est devenu un symbole de l’effondrement de l’État de droit en Haïti.

Les regards sont tournés vers la justice haïtienne, qui doit démontrer sa capacité à enquêter sur ses élites, dans un contexte où la collusion entre politique, sécurité et réseaux criminels demeure une réalité difficile à écarter. Pour de nombreux observateurs, l’assassinat de Jovenel Moïse ne saurait se résumer à l’intervention de mercenaires étrangers : il s’inscrit dans une architecture de trahisons internes et de luttes de pouvoir, dont l’audition des figures politiques pourrait révéler les rouages.

Si la présence effective des convoqués demeure incertaine, en raison de l’absence de garanties sécuritaires et des risques politiques, le signal envoyé par la justice est fort : aucun nom, aussi prestigieux soit-il, ne doit échapper à la vérité.