Lénord Fortuné, alias Azor, n’était pas qu’un musicien : il était l’incarnation battante de l’âme haïtienne. À travers le rythme sacré de son tambour et la ferveur de sa voix, il a élevé l’art vodou au rang de patrimoine vivant et fait résonner la beauté d’Haïti jusqu’aux temples du Japon.
Il y a des artistes qui chantent. D’autres qui jouent. Mais rares sont ceux qui, comme Azor, deviennent leur art. Lénord Fortuné, né pour porter la mémoire rythmique d’un peuple, fut bien plus qu’un chanteur ou tambourineur : il fut un passeur de feu, un maître d'ondes sacrées, un gardien de la lumière ancestrale.
Maestro incontesté du groupe Rasin Mapou de Azor, il portait sur ses épaules la mémoire des lakous, ces foyers de spiritualité enracinés dans la terre haïtienne. Avec lui, le tambour n’était plus seulement un instrument : il battait comme un cœur collectif, pulsant les douleurs, les résistances, les joies et la fierté d’un peuple.
Azor, c’était la vibration de la terre quand elle parle au ciel. Une voix puissante, une frappe précise, une présence scénique envoûtante. Il ne jouait pas du tambour, il conversait avec les loas, il sculptait le silence, il peignait la beauté d’Haïti dans chaque battement de peau tendue.
À travers ses prestations, que ce soit à Saut d’Eau, Ville Bonheur, ou dans les grandes salles japonaises, il offrait au monde une Haïti enracinée, belle, mystique et vivante. Il chantait la foi sans dogme, la culture sans folklore, le vodou comme un art, une sagesse, un souffle.
Sa voix, reconnaissable entre toutes, a hypnotisé des foules entières, ici et ailleurs. En 2006, il fut nommé Trésor National Vivant, un titre bien mérité pour un homme qui portait sur ses épaules le poids et la grâce d’une culture millénaire. Dans ses chants, il y avait la douleur des ancêtres et la promesse des jours meilleurs.
Azor est mort le 16 juillet 2011, sur la terre même qu’il chantait, après un dernier concert comme une offrande ultime. Mais peut-on vraiment mourir quand on a fait de chaque battement un miracle, de chaque note un cri d’amour pour sa patrie ?
Dans un monde de bruit, Azor était le rythme.
Dans un monde de superficialité, il était profondeur.
Dans un monde qui oublie, il demeure mémoire.
Azor ne s’est pas éteint. Il résonne encore dans chaque lakou, chaque procession, chaque rêve de tambour. Il est là, dans le souffle du Mapou, dans le silence de l’aube, dans le cri du peuple haïtien.
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