Les derniers tableaux de la Banque de la République d’Haïti (BRH) révèlent une situation inquiétante : l’État haïtien dépense de plus en plus, emprunte massivement, mais ses recettes fiscales peinent à suivre.



Les tableaux publiés par la Banque de la République d’Haïti (BRH) sont clairs : les finances publiques d’Haïti sont sous tension. Depuis plus de deux décennies, les chiffres montrent une croissance impressionnante des dépenses publiques… mais sans que les recettes de l’État suivent au même rythme. Résultat : des déficits qui explosent et un recours de plus en plus important au crédit.

Prenons par exemple le crédit net au secteur public. En 1999-2000, l’État devait environ 9 milliards de gourdes. En 2022-2023, ce montant est monté à plus de 236 milliards de gourdes ! Cela veut dire que l'État haïtien emprunte beaucoup plus qu'avant pour pouvoir fonctionner, financer ses services, payer ses salaires et réaliser des investissements. C’est une augmentation de plus de 2500 % en 23 ans. Ce n’est pas rien.

Mais pourquoi l’État emprunte-t-il autant ? La réponse est simple : les recettes fiscales ne suffisent pas. Quand on regarde les recettes totales en 2000, elles étaient de 6,1 milliards de gourdes. En 2023, elles sont passées à 173,9 milliards. Cela semble énorme, mais cela ne suffit pas à combler l’augmentation encore plus forte des dépenses publiques, qui sont passées de 8,1 milliards à 216 milliards de gourdes sur la même période.

Autre élément frappant : les dépenses de fonctionnement (salaires, administration, etc.) représentent la grande majorité du budget. Par exemple, en 2023, plus de 172 milliards de gourdes sont des dépenses courantes, alors que seulement 6,2 milliards ont été investis dans des projets de développement (routes, écoles, hôpitaux…). Cela montre un déséquilibre : on dépense surtout pour faire tourner la machine de l’État, mais peu pour construire l’avenir.

Et pourtant, le peuple attend des résultats : des services publics efficaces, une éducation de qualité, des routes sûres, des soins de santé accessibles. Or, avec une dette publique qui explose et des recettes limitées, l'État devient de plus en plus dépendant de l’emprunt, notamment auprès de la banque centrale, ce qui peut provoquer l’inflation ou affaiblir la gourde.

Un autre indicateur à surveiller : la part du budget par rapport au PIB (Produit Intérieur Brut). Les recettes totales représentaient 7,4 % du PIB en 2018 et seulement 6,2 % en 2023. Autrement dit, l’économie du pays croît lentement, mais la capacité de l’État à en tirer des revenus diminue. C’est un très mauvais signal pour la soutenabilité budgétaire.

Que retenir de tout cela ?
1. L’État haïtien vit au-dessus de ses moyens : il dépense bien plus qu’il ne gagne.
2. Les investissements dans le développement sont insuffisants, ce qui compromet l’avenir du pays.
3. La dette publique explose, ce qui met une pression énorme sur la BRH et sur la stabilité économique du pays.
4. La population devrait s’intéresser davantage à la manière dont est dépensé l’argent public, car cela touche directement les services qu’elle reçoit.

Ces tableaux ne sont pas que des chiffres. Ils racontent une réalité : celle d’un pays qui peine à équilibrer son budget, à faire les bons choix d’investissement, et à bâtir un avenir économique stable. Comprendre ces chiffres, c’est déjà commencer à exiger une meilleure gouvernance. Et chaque citoyen haïtien a un rôle à jouer dans cette exigence de transparence et de responsabilité.

Sources :
https://www.brh.ht/wp-content/uploads/2018/08/creditsecteurpublic-pib.pdf
https://www.brh.ht/wp-content/uploads/2018/08/recettes-pib.pdf
https://www.brh.ht/wp-content/uploads/2018/08/recettes-pib.pdf