Dans les mornes reculés comme dans les ruelles animées de Port-au-Prince, les Haïtiens transmettent un héritage invisible mais puissant : celui de la parole. À travers contes, proverbes et légendes, c’est toute une philosophie de la vie, une mémoire collective et une identité culturelle qui s’expriment, se perpétuent et résistent au temps.
En Haïti, la parole est sacrée. Bien avant l'écrit, c’est par la voix que l’histoire, la morale et l’identité se sont transmises. Les contes traditionnels — souvent racontés lors des veillées ou autour du feu — mettent en scène des animaux rusés, des esprits malicieux, ou des personnages légendaires comme Bouki et Malice, symboles de la ruse et de la naïveté.
Ces récits ne sont pas de simples divertissements : ils enseignent, éduquent, avertissent. Chaque histoire est porteuse d'une leçon, d’un avertissement ou d’une vérité sociale déguisée.
Les proverbes haïtiens sont sans doute l’une des expressions les plus profondes de la sagesse populaire. Ils traduisent des vérités universelles dans un langage imagé, parfois humoristique, souvent poignant.
Quelques exemples emblématiques :
“Dèyè mòn gen mòn” – « Derrière la montagne, il y a d'autres montagnes » : une manière poétique d’illustrer les défis constants de la vie.
“Bay kou bliye, pote mak sonje” – « Celui qui frappe oublie, celui qui porte la cicatrice se souvient » : un rappel de l’impact durable de nos actions.
“Tout sa ki klere pa lò” – « Tout ce qui brille n’est pas de l’or » : une mise en garde contre les apparences trompeuses.
Ces proverbes sont utilisés au quotidien, dans les conversations, les débats, les chants ou même les sermons. Ils incarnent une philosophie populaire, empreinte de réalisme, de résilience et d’humour.
La mythologie haïtienne est riche en créatures mystérieuses : lougawou, zonbi, ti bonanj, etc. Ces figures nourrissent l’imaginaire collectif, mais elles sont aussi des véhicules symboliques de peurs, d’espoirs ou de luttes historiques.
Par exemple, le zonbi haïtien ne renvoie pas seulement à une créature surnaturelle, mais incarne aussi, dans certains récits, la dépossession, la perte de volonté, l’esclavage mental — une allégorie profonde issue de l’histoire coloniale.
Face à l’érosion culturelle et à la mondialisation, l’oralité haïtienne mérite une valorisation urgente. Elle doit être collectée, archivée, enseignée dans les écoles, mise en scène dans les théâtres, et traduite dans des formats modernes (podcasts, vidéos, BD...).
Des initiatives locales comme les veillées contées, les festivals de conte, ou les projets de documentation menés par des artistes et chercheurs haïtiens, contribuent à préserver ce trésor immatériel.
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