La relance controversée par l’administration Trump des expulsions de masse via l’« Alien Enemies Act » doit désormais respecter un préavis de 21 jours, selon une décision judiciaire récente.
Dans un contexte tendu où les droits des immigrés latinos sont au cœur d’un bras de fer politique, la juge fédérale Stephanie L. Haines a tranché. Dans une opinion de 15 pages rendue le mercredi 26 juin 2025, elle a exigé que le gouvernement fédéral accorde aux migrants visés par des procédures d’expulsion sous la loi de 1798 un délai minimum de 21 jours pour contester légalement leur éloignement du territoire américain.
La décision fait suite au cas d’un migrant vénézuélien identifié comme « W.J.C.C. », qui avait déposé une requête pour faire valoir ce droit fondamental de contestation, tout en s’opposant à son transfert dans un autre centre de détention en dehors du district judiciaire de Pennsylvanie occidentale. Si la juge a accepté la première demande, elle a refusé d’empêcher son transfert géographique. Le ministère de la Justice s’était opposé aux deux requêtes, mais devra désormais se conformer à ce nouveau standard.
La relance de l’Alien Enemies Act (AEA) par l’administration Trump pour justifier l’expulsion de migrants, notamment d’Amérique latine, a suscité une vague de contestation. Cette loi, adoptée en 1798, pendant une période de tension diplomatique avec la France, permet au gouvernement d’expulser des ressortissants de pays considérés comme ennemis. Mais son usage à l’encontre de populations civiles immigrées sans lien avec des conflits armés soulève d’importantes questions juridiques.
Des ONG comme l’American Civil Liberties Union (ACLU) ont dénoncé cette application comme une violation grave du writ d’habeas corpus, un droit fondamental qui garantit à toute personne la possibilité de contester une détention arbitraire. Dans plusieurs affaires, des juges ont stoppé des expulsions programmées, affirmant que les migrants n’avaient pas bénéficié du processus régulier prévu par la Constitution américaine.
En avril, la Cour suprême des États-Unis avait déjà donné raison aux opposants à cette politique, affirmant que le gouvernement ne pouvait invoquer l’AEA pour expulser des individus sans leur permettre d’être entendus par un juge. Une injonction inédite, rendue un samedi 19 avril, avait même interdit temporairement toute expulsion d’un groupe d’immigrés, en attendant une décision définitive.
La juge Haines, elle-même nommée par Trump durant son premier mandat, semble désormais suivre cette logique. Elle avait refusé en mai de certifier une action collective d’immigrants visés par l’AEA, les obligeant à déposer des requêtes individuelles en habeas corpus. Mais sa nouvelle décision marque un tournant : le gouvernement devra désormais notifier officiellement les personnes visées, leur laisser 21 jours pour se défendre, et se soumettre au contrôle judiciaire.
Ce préavis est crucial pour les avocats spécialisés en droit de l’immigration, qui soulignent que sans un tel délai, des milliers de personnes risquent d’être expulsées à tort, parfois vers des pays en guerre ou sans garanties légales.
L’administration Trump est accusée de détourner les lois pour accélérer les déportations, notamment en transférant des détenus vers des prisons à haute sécurité comme le tristement célèbre centre pénitentiaire CECOT au Salvador. Le recours au programme CBP Home, une application mobile pour enregistrer les auto-expulsions, combiné à des campagnes de communication agressives, témoigne de cette stratégie visant à forcer des départs sans décisions judiciaires formelles.
Avec cette décision, le système judiciaire reprend la main sur une politique jugée liberticide. Le délai imposé par la juge Haines rappelle que les lois d’exception ne peuvent pas faire fi des droits fondamentaux, même en période de crise migratoire.
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