La délégation parlementaire du Massachusetts tire la sonnette d’alarme sur les conditions de détention de migrants dans un bâtiment administratif de Burlington, utilisé par l’ICE à des fins qui dépassent largement son cadre légal.
Dans une lettre adressée à Todd Lyons, directeur intérimaire de l’agence fédérale Immigration and Customs Enforcement (ICE), et à Patricia Hyde, responsable du bureau ICE de Boston, les douze élus du Congrès américain du Massachusetts, dont les sénateurs Elizabeth Warren et Ed Markey, expriment leur vive inquiétude sur les pratiques de détention dans les locaux de Burlington. Ils dénoncent une situation "alarmante" et exigent un briefing complet ainsi que des réponses précises sur le respect des normes en matière de détention.
Le bâtiment concerné, situé à proximité du Burlington Mall, est à l’origine un simple bureau administratif destiné aux formalités d’immigration et aux procédures de vérification des migrants. Pourtant, depuis mai dernier, il serait utilisé comme centre de détention improvisé, accueillant jusqu’à plusieurs dizaines de personnes en même temps — souvent pour des périodes de plusieurs jours, en violation flagrante des règles de l’agence qui limitent la détention dans de tels locaux à 12 heures, sauf cas exceptionnels.
Selon plusieurs témoignages, les personnes détenues y dorment à même le sol en béton, sans lit, avec seulement une couverture isothermique. Parmi les cas les plus médiatisés figure celui de Marcelo Gomes Da Silva, un lycéen de 18 ans originaire de Milford, qui affirme avoir été détenu pendant six jours sans douche, avec une alimentation insuffisante et sans accès à l’air libre. L’ICE a contesté ses déclarations, les qualifiant de "mensonges flagrants", mais de nombreux avocats en droit migratoire et proches de détenus confirment la véracité des conditions décrites. Des affidavits sous serment ont été déposés pour dénoncer le traitement « cruel et inhumain » des migrants à Burlington.
Malgré une visite de deux membres du Congrès, Jake Auchincloss et Seth Moulton, les autorités locales n’ont toujours pas obtenu de transparence. Les élus ont observé plusieurs pièces surchargées et sans fenêtres, où il est difficile de distinguer l’heure du jour — un environnement jugé "inacceptable" pour toute détention prolongée.
Face à cette situation, l’ICE a récemment modifié ses protocoles pour limiter l’accès des élus aux centres de détention, exigeant désormais un préavis de 72 heures et se réservant le droit de refuser ou de reporter les visites. Une directive qui, selon les parlementaires, viole non seulement les propres standards de détention de l’agence, mais empêche également les représentants du peuple de contrôler le respect des droits humains.
Les élus demandent notamment des éclaircissements sur le nombre de personnes détenues, leur âge, leur état de santé (notamment les femmes enceintes ou les personnes handicapées), les conditions sanitaires du site (nombre de douches, lavabos, présence d’un service médical) et la conformité du centre avec les normes fédérales. De leur côté, les autorités municipales de Burlington ont lancé une enquête pour vérifier si la détention dans ce bâtiment respecte les règlements d’urbanisme locaux. Le service de l’urbanisme de la ville a même ordonné une inspection du site.
Cette controverse intervient dans un contexte de durcissement généralisé de la politique migratoire sous l’administration Trump, qui vise à procéder à 3 000 arrestations quotidiennes. Rien que pour le mois de mai, l’ICE affirme avoir procédé à près de 1 500 arrestations dans le Massachusetts. À l’échelle nationale, selon CBS News, 59 000 migrants seraient actuellement détenus par l’agence, un record historique.
Alors que l’ICE est de plus en plus critiquée pour son manque de transparence et de respect des droits fondamentaux, cette affaire relance le débat sur la légitimité de ses pratiques et sur l’urgence de réformes structurelles au sein du système migratoire américain.
Source : AP
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