De Boukman Eksperyans à Boukan Ginen, en passant par sa carrière solo, Eddy François incarne la puissance du tambour haïtien et la fusion parfaite entre héritage africain et modernité. À travers sa musique, il vend la beauté d’Haïti avec passion, conviction et originalité.



Il est l’une des voix les plus emblématiques de la musique haïtienne contemporaine. Né au Cap-Haïtien, Eddy François n’a jamais cessé de chanter Haïti, de battre le tambour de ses racines, et de faire résonner l’âme de son peuple à travers le monde. Sa trajectoire musicale, à la fois riche, audacieuse et engagée, retrace une véritable odyssée artistique nourrie de culture, d’héritage et d’innovation.

Dès les années 80, il entame son voyage dans les notes, en tant que bassiste et guitariste au sein de chorales gospel telles que les Compagnons de St Gérard. Rapidement, son charisme et sa voix magnétique le propulsent dans le cercle très fermé des artistes qui changent la donne. En 1988, il rejoint Music Machine, avant de marquer l’histoire en devenant la voix inoubliable du groupe légendaire Boukman Eksperyans. C’est avec ce groupe que le public découvre une fusion audacieuse entre les rythmes traditionnels haïtiens, le rock, et les sonorités pop. Des titres comme Kèm Pa Sote, Pwazon Rat ou encore Se Kreyol Nou Ye traversent les frontières, hissant la musique racine haïtienne sur la scène internationale.

En 1992, Rolling Stone Magazine le sacre "Meilleur chanteur des Caraïbes" et Boukman Eksperyans est nominé aux Grammy Awards. Une reconnaissance qui ne fait que confirmer le génie d’Eddy François. Deux ans plus tard, il fonde Boukan Ginen, une autre grande aventure musicale dont le premier album Jou a Rive lui vaut le Prix Découverte RFI en 1994. Leur performance à Central Park attire l’attention du New York Times, qui consacre la couverture au groupe. C’est la consécration.

Mais la musique d’Eddy François est bien plus qu’un simple concert. Elle est un rituel. Un tambour sacré. Une manière de dire Ayibobo à la vie, aux ancêtres, à l’Afrique et à Haïti. Son style unique — fusion de soul, blues, mizik rasin et chants vaudous — a transformé la scène musicale caribéenne. Sa présence scénique, presque chamanique, enflamme les publics les plus exigeants. Il ne chante pas : il invoque.

À partir des années 2000, il entame une carrière solo. Son album Zinga (2004), produit avec Dadi Beaubrun, est une œuvre mûre, introspective, empreinte de spiritualité et d’émotion. Il y rend hommage au peuple haïtien, à ses douleurs et à ses espoirs. En 2008, il sort Djohu, produit aux États-Unis, confirmant son statut de messager musical de la conscience haïtienne.

Avec sa discographie riche (Boukman Eksperyans, Boukan Ginen, Zinga, Djohu…), il continue d'élever la voix d’un peuple trop souvent réduit au silence. De Tande Kri A Yo à Afrikayiti, de Lakay à Anacaona, chaque morceau est un cri d'amour pour Haïti, un hymne à la résistance, une offrande à la culture.

Aujourd’hui, Eddy François poursuit sa mission : faire résonner la beauté d’Haïti partout à travers le monde. À travers le tambour, le verbe et la scène, il perpétue un art profondément enraciné, tout en le projetant dans le futur. Il n’est pas seulement un chanteur. Il est un passeur de mémoire, un gardien du feu sacré de la culture haïtienne.