La Jamaïque franchit une étape inédite dans sa quête de justice historique. Le gouvernement s’apprête à adresser une pétition officielle au roi Charles III pour exiger des réparations liées à l’esclavage, en mobilisant cette fois une voie juridique auprès du Conseil privé britannique.



Le vent du changement souffle avec une force nouvelle depuis Kingston. Mardi, la ministre jamaïcaine de la Culture, Olivia Grange, a annoncé devant la Chambre des représentants une initiative sans précédent : une pétition formelle au roi Charles III, chef d’État de facto de la Jamaïque, pour obtenir des réparations historiques pour l’esclavage transatlantique.

« Nous portons notre demande de réparations au Royaume-Uni pour l’esclavage de nos ancêtres africains à une autre étape », a affirmé la ministre dans son intervention dans le cadre du débat sectoriel 2025/2026.

Selon les précisions données, la pétition ne s’en tiendra pas uniquement à une démarche symbolique ou politique. Elle exigera du souverain britannique qu’il soumette trois questions clés au Conseil privé, l’une des plus hautes juridictions du Commonwealth. Cette approche légale, adossée à des revendications historiques, vise à établir clairement les responsabilités institutionnelles de la monarchie britannique dans le commerce triangulaire et la déshumanisation systématique des peuples africains.

En ciblant la Couronne britannique et non seulement le gouvernement, la Jamaïque entend rappeler que la monarchie a directement profité de la traite des esclaves et de la richesse qu’elle a générée au fil des siècles. Des milliers de descendants d’Africains réduits en esclavage attendent depuis des générations une reconnaissance concrète de cette dette historique.

Grange a précisé que cette voie judiciaire ne contredisait en rien les efforts diplomatiques et politiques menés jusque-là. Au contraire, elle les renforce. Car au-delà des négociations bilatérales et des déclarations de bonne volonté, c’est désormais le terrain du droit et de la responsabilité morale des institutions de l’État britannique qui est investi.

La Jamaïque n’est pas seule dans cette revendication. D'autres pays des Caraïbes, à travers la CARICOM, exigent également des réparations coloniales pour des siècles de spoliation, d’exploitation et de génocide culturel.

Alors que le roi Charles III peine encore à incarner un rôle de chef d'État dans des territoires confrontés à l’héritage brûlant de la colonisation, cette initiative jamaïcaine pourrait bien relancer le débat sur les réparations dans tout le Commonwealth. Elle interpelle aussi l’opinion britannique et mondiale sur le devoir de mémoire, de justice et de réparation à l’égard des crimes coloniaux.