Par un décret déjà prêt à paraître au Federal Register, l’administration Trump s’apprête à bouleverser le mode de sélection des 85 000 visas H‑1B délivrés chaque année. À la place du tirage au sort, les dossiers seraient classés du salaire le plus élevé au plus bas, reléguant au second plan la plupart des diplômés internationaux et des ingénieurs en début de carrière.
La Maison‑Blanche n’a jamais caché son hostilité à la loterie H‑1B, qu’elle juge « aveugle » et insuffisamment tournée vers les postes « hautement rémunérés ». Après un premier essai avorté en janvier 2021, le Department of Homeland Security (DHS) revient à la charge : la règle baptisée « Weighted Selection Process » est en cours d’examen final à l’Office of Management and Budget et pourrait être publiée dans les semaines qui viennent, pour une entrée en vigueur dès la campagne H‑1B de mars 2026 (cap FY 2027).
Sous la plume de Stephen Miller, architecte des réformes migratoires de Donald Trump, le nouveau texte entend attribuer à chaque enregistrement un « poids » proportionnel au salaire offert : quatre chances pour un candidat payé au niveau 4 (salaires les plus élevés prévus par le Department of Labor), trois chances au niveau 3, deux chances au niveau 2, une seule chance au niveau 1. En pratique, les diplômés fraîchement sortis d’université — souvent classés niveau 1 ou 2 — verraient leurs probabilités divisées par deux, voire par quatre, au profit de profils seniors déjà bien rémunérés.
Le texte se heurte à un obstacle : l’Immigration and Nationality Act ordonne que les requêtes H‑1B soient « examinées dans l’ordre de dépôt ». Plusieurs coalitions d’entreprises (Compete America, TechNet), d’universités (NAFSA) et l’American Immigration Lawyers Association jugent donc la réforme illégale sans amendement du Congrès. Lors de la tentative de 2021, la règle avait été suspendue puis abandonnée par l’administration Biden pour ce motif précis.
Selon une analyse du National Foundation for American Policy, 90 % des jeunes diplômés étrangers sont rémunérés aux niveaux 1 ou 2 ; ils auraient 54 % de chances en moins d’obtenir un H‑1B avec le système pondéré. Or plus de 70 % des inscrits en master/doctorat d’informatique et d’électronique aux États‑Unis sont internationaux, un vivier crucial dans la course mondiale à l’intelligence artificielle.
Tous nos concurrents — Canada, Royaume‑Uni, Australie — misent sur les talents juniors. Le message de Washington serait : “revenez quand vous gagnerez 200 000 $”, tacle Bo Cooper, ex‑conseiller juridique de l’USCIS. Médecins internes, professeurs de sciences, microbiologistes… autant de professions où 80 à 90 % des offres sont niveau 1‑2. Un Nobel comme Katalin Karikó gagnait 17 000 $ à son arrivée ; le système aurait rejeté son dossier, rappelle Mark Regets, économiste au NFAP.
Une fois la règle publiée, les parties prenantes disposeront de 30 à 60 jours pour déposer des observations. Des recours en justice sont déjà prêts, notamment sur la violation de la « filing order rule ». Si aucune injonction ne bloque le texte, la campagne H‑1B de 2026 pourrait inaugurer ce « concours de salaires ». Pour les start‑up, universités et hôpitaux, la course contre la montre est lancée.
Source : Forbes
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