St George’s, 8 août 2025 — Le vent du changement souffle sur la petite île caribéenne de Grenade. Pour la première fois depuis son indépendance en 1974, le pays modifie officiellement son serment d’allégeance, supprimant toute référence au roi Charles III, à ses héritiers et à ses successeurs. Désormais, l’engagement solennel se fera au nom de « Grenade » et de son peuple. Un geste hautement symbolique, approuvé à l’unanimité par les deux chambres du Parlement, et validé par la gouverneure générale Dame Cécile La Grenade, représentante de la Couronne.
Le Premier ministre Dickon Mitchell a salué « un engagement commun en faveur de l’identité nationale et du progrès constitutionnel », soulignant que prêter serment au roi britannique n’avait plus aucun sens pour une nation souveraine. « Notre allégeance appartient à Grenade et à son peuple. Je ne vois pas pourquoi moi, ou tout futur Premier ministre, devrions jurer fidélité à un monarque étranger », a-t-il affirmé, appelant à tracer « la véritable voie de l’indépendance ».
Cette réforme s’inscrit dans un mouvement plus large de décolonisation symbolique, déjà amorcé dans d’autres pays caribéens du Commonwealth. Le ministre du Tourisme et de la Culture, Adrian Thomas, a rappelé que le pays conservait encore des institutions héritées de l’époque coloniale, comme la prison royale ou la police royale de Grenade, mais que ces changements n’étaient qu’un début : « Outre le serment d’allégeance, nous ferons beaucoup plus dans les années à venir. »
Dans les rues de la capitale, la population semble partager cet enthousiasme. Pour Sherene Thomas-Isaac, consultante en communication, ce changement était « attendu depuis longtemps » et reflète la volonté des Grenadiens de rompre avec les symboles d’une histoire coloniale douloureuse.
La décision intervient dans un contexte où la Commission des réparations de Grenade multiplie les pressions pour obtenir des excuses et des compensations de la part de la monarchie britannique, après la révélation de documents prouvant que George IV avait personnellement tiré profit de l’esclavage sur l’île. Son président, Arley Gill, a qualifié cette réforme de « petit pas dans la déconstruction d’un processus colonial », appelant à aller plus loin vers le républicanisme et à destituer le roi Charles III de son rôle de chef d’État.
Si le geste est avant tout symbolique, il pourrait ouvrir la voie à une réforme constitutionnelle plus profonde, alignant Grenade sur la trajectoire de la Barbade, devenue république en 2021. En modifiant un simple serment, l’île envoie un message clair : son avenir se construira sans les chaînes, visibles ou invisibles, de l’héritage colonial.
Source : The Guardian
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