Malgré l’effondrement institutionnel, les violences armées et une économie au ralenti, Haïti reste un client de poids pour la République dominicaine. De janvier à mai 2025, les exportations dominicaines vers le pays voisin ont bondi de 29,5 %, atteignant près d’un demi-milliard de dollars. Un paradoxe économique révélateur d’une résilience commerciale inattendue.
Alors que Haïti traverse une crise multidimensionnelle sans précédent – marquée par l’insécurité galopante, l’effondrement des institutions publiques et une inflation persistante – le commerce bilatéral avec la République dominicaine affiche une santé inattendue. Les données publiées par la Direction Générale des Douanes (DGA) dominicaines révèlent que, pour les cinq premiers mois de 2025, la valeur des exportations vers Haïti a atteint 453,8 millions de dollars américains, en hausse de 29,5 % par rapport à la même période en 2024.
Cette hausse spectaculaire contraste fortement avec la timide progression de 2,6 % enregistrée en 2024. Haïti, malgré ses failles structurelles, reste donc un marché stratégique, notamment pour les biens de consommation, les produits agricoles et les matières premières indispensables à son industrie manufacturière.
La géographie commerciale haïtiano-dominicaine se redessine également. Le poste frontalier de Comendador, dans la province d’Elías Piña, s’impose désormais comme la principale porte d’entrée des produits dominicains vers Haïti, captant 40,4 % des exportations. Jimaní, jadis favorisé pour sa proximité avec Port-au-Prince, perd du terrain en raison de la présence accrue de groupes armés sur l’axe menant à Malpasse, freinant les activités douanières.
Le poste de Dajabón, en deuxième position avec 33,2 %, reste une plateforme essentielle pour l’approvisionnement de la zone franche de CODEVI à Ounaminthe. Ce dynamisme est renforcé par l’activité industrielle transfrontalière, qui alimente aussi bien l’emploi local que les recettes douanières.
La capacité de la République dominicaine à contourner les obstacles réglementaires imposés par Haïti, notamment en matière d’étiquetage et de transport, démontre l’adaptabilité des opérateurs économiques. Malgré les mesures protectionnistes, la demande haïtienne ne faiblit pas, portée par une population dépendante des importations pour ses besoins fondamentaux.
Si la tendance se maintient, les exportations dominicaines vers Haïti pourraient dépasser à nouveau la barre symbolique du milliard de dollars américains, comme en 2022. Ce chiffre n’inclut pas le commerce informel, estimé à des centaines de millions supplémentaires, qui transite quotidiennement par les sentiers frontaliers non régulés.
Cette réalité met en lumière un paradoxe économique profond : un pays en crise peut rester un acteur commercial majeur. La dépendance haïtienne vis-à-vis du marché dominicain soulève toutefois des enjeux cruciaux de souveraineté alimentaire, d’intégration régionale et de sécurité économique.
Face à l’ampleur du commerce bilatéral, une coordination plus étroite entre les deux États s’impose. Sans quoi, la dynamique actuelle, aussi impressionnante soit-elle, risque de reposer sur une base instable, vulnérable aux moindres soubresauts politiques ou sécuritaires.
Laisser un commentaire