Pour la première fois en 50 ans, les États-Unis s’acheminent vers une migration nette négative, avec des conséquences alarmantes sur la croissance, l’emploi et la viabilité du système de sécurité sociale.



Une étude percutante de l’American Enterprise Institute (AEI) vient de tirer la sonnette d’alarme : la campagne de déportation massive initiée par l’administration Trump pourrait entraîner le départ de plus de 500 000 personnes du territoire américain en 2025, entraînant pour la première fois depuis un demi-siècle une migration nette négative.

Le rapport indique que cette contraction démographique pèsera lourdement sur la croissance du PIB américain, avec une perte estimée entre 0,3 % et 0,4 %, soit entre 70 et 94 milliards de dollars de production annuelle en moins. Alors que l’économie américaine repose de plus en plus sur la main-d’œuvre étrangère — les travailleurs nés à l’étranger représentant 19,2 % de la population active — leur départ massif menace directement la dynamique de l’emploi et de la consommation.

Depuis la signature de la loi baptisée “Big Beautiful Bill”, Donald Trump a injecté 45 milliards de dollars dans le Département de la Sécurité intérieure, dont 11 milliards alloués à l’ICE pour augmenter le nombre d’agents de déportation. Résultat : plus de 71 000 migrants ont déjà été expulsés en 2025, et 67 000 sont actuellement détenus. De nombreux autres quittent le pays de leur propre gré, par peur des politiques migratoires de plus en plus hostiles.

« Nous assistons à un exode invisible mais massif », alerte Tara Watson, économiste au Brookings Institute, coautrice du rapport. Selon elle, le marché de l’emploi ne pourra pas maintenir sa vitalité sans le soutien des travailleurs immigrés, surtout dans des secteurs-clés comme l’agriculture, la construction, la santé et l’hôtellerie.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les immigrants représentaient 299 milliards de dollars en pouvoir d’achat en 2023 et versaient 167 milliards en loyers. En leur absence, la demande intérieure diminue, fragilisant l’investissement, la croissance et les rentrées fiscales. Par ailleurs, les cotisations à la Sécurité sociale baisseront fortement, alors que les travailleurs sans papiers y ont contribué à hauteur de 25,7 milliards de dollars en 2022.

“Les déportations sont un choc stagflationniste”, résume Torsten Sløk, chef économiste chez Apollo. En réduisant la main-d’œuvre disponible, elles provoquent une hausse des salaires dans certains secteurs, tout en ralentissant la création d’emplois et la croissance globale.

De nombreuses entreprises, notamment dans les secteurs de la santé et de l’agroalimentaire, signalent des difficultés croissantes à recruter. « Le pipeline de travailleurs se réduit dangereusement », confie Deke Cateau, PDG d’un réseau d’EHPAD à Atlanta où un tiers du personnel est immigré. La peur des descentes de l’ICE pousse même certains travailleurs à ne plus se présenter au travail.

Le rapport note également que les étudiants internationaux et les travailleurs temporaires revoient leurs projets, de peur de ne pas être renouvelés ou de subir des discriminations. Le déclin des inscriptions universitaires étrangères pourrait affaiblir un autre pilier de l’économie américaine.

De son côté, la Maison Blanche a balayé les conclusions du rapport, qualifiant les alertes de « purement spéculatives ». Une porte-parole a déclaré : « Il n’y a aucune pénurie de travailleurs américains. La campagne de déportation du président Trump vise à restaurer l’ordre, augmenter les salaires et protéger les citoyens. »

Mais pour Wendy Edelberg, coautrice de l’étude et ancienne économiste du CBO, les signes de contraction sont déjà visibles : la croissance mensuelle des inscriptions sur les fiches de paie devrait chuter à 30 000 ou 40 000 d’ici décembre, contre 147 000 en juin, sous l’effet de la réduction de la main-d’œuvre étrangère.

Alors que les politiques migratoires de Trump gagnent en intensité, les effets économiques collatéraux deviennent de plus en plus tangibles : main-d’œuvre en recul, croissance freinée, baisse de la consommation, pressions inflationnistes et déséquilibre du système de retraite.

Les économistes appellent à repenser l’immigration comme un atout stratégique plutôt qu’un fardeau politique. Si rien ne change, préviennent-ils, les États-Unis pourraient entrer dans une nouvelle ère de stagnation économique, sous perfusion politique.

Source : Fortune