En réaction aux tarifs douaniers imposés par Washington, l’Inde voit monter un mouvement de boycott ciblant des icônes du capitalisme américain comme McDonald’s, Coca-Cola, Amazon ou Apple. Portée par un discours nationaliste économique et soutenue par des entrepreneurs proches du Premier ministre Narendra Modi, cette campagne reflète une fracture croissante dans les relations commerciales indo-américaines.



Les tensions entre New Delhi et Washington prennent un tournant inédit. Les tarifs douaniers imposés par les États-Unis sur certains produits indiens ont déclenché une riposte symbolique mais politiquement lourde : des appels au boycott des marques américaines. Pour leurs promoteurs, il ne s’agit pas seulement d’une réaction ponctuelle, mais d’une stratégie pour repositionner l’Inde comme puissance industrielle autonome.

Manish Chowdhary, fondateur de Wow Skin Science, résume cette vision : faire du “Made in India” une obsession mondiale, à l’image du succès culturel et économique de la Corée du Sud. Dans la même veine, Rahm Shastry, dirigeant de DriveU, plaide pour des alternatives indiennes à Twitter, Google ou WhatsApp, inscrivant le débat dans la bataille mondiale pour la souveraineté numérique.

Le paradoxe est toutefois frappant : l’Inde reste un marché stratégique et en pleine expansion pour les multinationales américaines. WhatsApp y compte des centaines de millions d’utilisateurs, Domino’s et Starbucks y voient un relais de croissance, et Apple intensifie sa présence via des boutiques et une production locale croissante. Ces marques sont profondément ancrées dans le quotidien d’une classe moyenne en plein essor, symbole d’ascension sociale et de modernité.

Pour certains consommateurs, comme Rajat Gupta, habitant de Lucknow, l’économie domestique et la politique internationale sont deux sphères distinctes : « Les tarifs sont une affaire de diplomatie. Ma consommation, c’est mon choix personnel. » Cette vision illustre la complexité d’un boycott qui se heurte à la force d’attraction des marques globales et au pragmatisme du consommateur indien.

Dans un monde de plus en plus polarisé par des rivalités commerciales, le bras de fer entre l’Inde et les États-Unis pourrait devenir un laboratoire stratégique : celui où l’idéologie du patriotisme économique se confronte à la réalité des chaînes d’approvisionnement mondialisées et au pouvoir de séduction du marketing américain.