Les rencontres avec des migrants à la frontière sud des États-Unis sont tombées à leur plus bas niveau depuis les années 1960. Une victoire apparente pour l’administration Trump, qui capitalise sur une dynamique amorcée dès le début de 2024. Mais derrière ces chiffres flatteurs se cachent des choix politiques radicaux, la suppression de voies humanitaires, et un retour à une politique de dissuasion brutale.
Les migrant encounters at the U.S.-Mexico border ont atteint en avril un niveau historiquement bas : moins de 8 400 passages irréguliers détectés par la Border Patrol, un contraste saisissant avec les près de 250 000 rencontres enregistrées en décembre 2023. Une baisse spectaculaire qui s’inscrit dans une tendance régionale : dans la jungle du Darién Gap, point de passage périlleux entre la Colombie et le Panama, les traversées ont chuté à seulement 200 en mars, contre plus de 37 000 l’année précédente.
Ce repli migratoire donne à l’administration Trump un argument politique de poids. L’exécutif actuel revendique le contrôle de la frontière, capitalisant sur une dynamique amorcée au premier semestre 2024 sous Joe Biden, grâce à un resserrement de la coopération avec le Mexique et à des réformes structurelles de la gestion migratoire. Entre décembre 2023 et mai 2024, les arrivées irrégulières à la frontière sud ont diminué de 53 %, notamment en raison du renforcement des contrôles mexicains à l’intérieur du pays.
La mise en œuvre en juin 2024 de la règle « Secure the Border » a également joué un rôle dissuasif majeur. Ce dispositif a limité l’accès à l’asile pour ceux entrant entre les ports d’entrée et favorisé l’usage de l’application CBP One, permettant de prendre rendez-vous pour une évaluation à un poste officiel. Résultat : les traversées irrégulières ont chuté de 84 000 en juin à 47 000 en décembre 2024, soit une baisse de 43 %. En novembre 2024, pour la première fois, plus de migrants ont accédé légalement au territoire via les ports d’entrée qu’en franchissant clandestinement la frontière.
Mais à son arrivée au pouvoir, l’administration Trump a brutalement rompu avec l’approche multilatérale et humanitaire de son prédécesseur. L’application CBP One a été suspendue, les restrictions de la règle « Secure the Border » maintenues, et surtout, les voies humanitaires créées sous Biden ont été supprimées. Le programme CHNV (Cuba, Haïti, Nicaragua, Venezuela), qui avait permis d’accueillir légalement plus de 532 000 personnes, a été abrogé, tout comme les Safe Mobility Offices installés en Colombie, au Costa Rica, en Équateur et au Guatemala.
Parallèlement, un déploiement militaire sans précédent a été lancé : près de 10 000 soldats stationnés le long de la frontière, de vastes zones redéfinies comme National Defense Areas où les militaires peuvent arrêter les migrants pour intrusion sur une base militaire, et des opérations maritimes actives dans le Gulf of America. À l’intérieur du pays, des expulsions spectaculaires sont organisées depuis plusieurs villes américaines vers des destinations telles qu’El Salvador ou l’Inde, avec des vols militaires affrétés à cet effet.
La stratégie du choc semble pour l’instant efficace : certains migrants font même le chemin inverse, quittant le Mexique pour retourner vers le sud du continent. Mais cette baisse des entrées irrégulières à la frontière U.S.-Mexico est-elle durable ? L’histoire récente suggère le contraire. Sous le premier mandat Trump, des politiques similaires avaient provoqué des baisses éphémères, vite suivies de pics migratoires encore plus importants. La politique de tolérance zéro en 2018, qui a conduit à la séparation de plus de 5 000 enfants de leurs familles, n’a provoqué qu’un ralentissement de deux mois avant un retour en force des arrivées.
Les facteurs migratoires dépassent largement les mesures frontalières. Crises économiques, instabilités politiques, violences, catastrophes climatiques... les causes de la migration sont complexes et souvent extérieures au contrôle américain. Les passages clandestins peuvent se réorienter vers des itinéraires plus dangereux, renforcer les réseaux de passeurs, ou ouvrir de nouvelles routes maritimes.
La réduction actuelle des crossings at the U.S.-Mexico border est donc une photographie temporaire, et non un aboutissement. Pour éviter de retomber dans un cycle de crises à répétition, les États-Unis devront refonder leur politique migratoire sur une gestion coordonnée, humaine et régionale des flux. Les murs, les soldats et les expulsions ne suffisent pas. Seule une stratégie alliant dissuasion légale, voies d’accès humanitaires viables et coopération internationale permettra de répondre durablement aux défis migratoires contemporains.
Car si l’administration Trump peut aujourd’hui se targuer d’une frontière « silencieuse », elle hérite aussi d’une réalité migratoire bien plus vaste que ses murs. Et l’histoire, une fois encore, pourrait se charger de le rappeler.
Source : Migration Policy
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