En décidant d’augmenter sa production de 411 000 barils par jour dès juin 2025, l’OPEP+ déclenche une onde de choc sur les marchés pétroliers. Le Brent chute sous la barre symbolique des 60 dollars, réveillant les tensions entre excès d’offre, demande affaiblie et pressions géopolitiques.



C’est un coup de théâtre qui secoue l’économie mondiale : l’OPEP+ a annoncé une hausse inattendue de sa production à partir de juin, après une première augmentation intervenue en avril. Cette nouvelle injection de 411 000 barils par jour intervient alors que la planète s’enlise dans un ralentissement économique durable et que les tensions commerciales — notamment les politiques protectionnistes relancées par l’administration Trump — freinent la demande énergétique mondiale.

Ce mouvement surprise du cartel pétrolier vise officiellement à rééquilibrer les efforts de production entre ses membres, alors que certains États, comme l’Irak ou le Kazakhstan, dépassaient régulièrement leurs quotas sans sanction réelle. Mais dans les faits, cette décision accentue la pression sur les prix du brut. Résultat immédiat : le baril de Brent plonge sous les 60 dollars, son niveau le plus bas depuis 2021. Une dégringolade qui redessine déjà les équilibres sectoriels.

Sur les marchés boursiers, les majors pétrolières accusent le coup. TotalEnergies chute de 5 % en 2025, alors que le CAC 40 progresse de 5 % sur la même période, preuve que la tendance n’est pas générale, mais bien ciblée. En revanche, les grandes consommatrices d’énergie en profitent largement : Ryanair bondit de 6 %, Air France-KLM gagne 2 %, tout comme Lufthansa, illustrant le transfert brutal de valeur entre secteurs.

Derrière cette manœuvre technique se cache un enjeu plus profond : la diplomatie énergétique internationale. L’augmentation de l’offre semble répondre aux pressions américaines croissantes, alors que Donald Trump, en campagne pour consolider ses alliances énergétiques, multiplie les appels à une baisse durable des prix de l’énergie. La coopération entre Washington et Riyad ressort donc renforcée, à quelques semaines d’une visite présidentielle au Moyen-Orient aux accents stratégiques.

Mais cette détente apparente masque une instabilité structurelle. Les analystes redoutent une saturation du marché pétrolier, dans un contexte où la demande stagne, notamment à cause de droits de douane américains sur de nombreux biens industriels. Le scénario d’un pétrole bon marché mais durablement instable devient crédible, au risque d’affaiblir les pays producteurs les plus fragiles et de nourrir de nouvelles tensions géopolitiques.

À court terme, les consommateurs et les industries énergivores se réjouissent. Mais le signal envoyé par l’OPEP+ soulève plus de questions que de certitudes : quelle soutenabilité pour un baril bas ? Jusqu’où les États-Unis peuvent-ils orienter les décisions pétrolières mondiales ? Et comment les marchés intégreront-ils cette nouvelle donne dans un monde en transition énergétique ?

Dans ce jeu à somme nulle, le pétrole reste un levier économique et diplomatique redoutable. La chute des prix n’est peut-être pas le symptôme d’un apaisement, mais le prélude d’un nouvel affrontement silencieux entre surcapacité, nationalismes énergétiques et réalités climatiques.