L’Union européenne joue la montre dans son litige contre la Chine à l’Organisation mondiale du commerce, espérant trouver un équilibre entre ses intérêts commerciaux et ses alliances géopolitiques. Une stratégie délicate dans un contexte mondial de tensions économiques.



Face à Pékin, Bruxelles adopte une posture prudente mais résolue. L’affaire portée devant l’OMC par l’Union européenne concerne des accusations de coercition économique exercée par la Chine à l’encontre de la Lituanie. Cependant, selon des sources proches du dossier, l’UE cherche à temporiser dans la procédure afin de recueillir des preuves supplémentaires et de peaufiner ses arguments.

Cette stratégie met en lumière un défi majeur pour l’Europe : comment maintenir une position ferme vis-à-vis de la Chine tout en préservant ses relations avec ses alliés stratégiques, notamment les États-Unis. L’administration Trump, connue pour sa position agressive contre Pékin, soutient fermement l’approche européenne. Suspendre temporairement la procédure pourrait ainsi renforcer la coopération transatlantique sans précipiter une escalade avec la Chine.

Le litige dépasse largement le cas de la Lituanie et reflète les tensions croissantes entre la Chine et ses partenaires commerciaux. Bruxelles a déjà engagé plusieurs actions contre Pékin dans des secteurs stratégiques, allant des véhicules électriques aux dispositifs médicaux. Malgré les répercussions potentielles, l’UE a imposé des droits de douane sur certains produits chinois en 2023, signalant sa volonté de défendre ses intérêts économiques.

L’affaire de la Lituanie illustre également les mécanismes de pression employés par la Chine sur les pays critiquant ses politiques. En imposant des restrictions commerciales sur Vilnius, Pékin a cherché à punir la Lituanie pour son rapprochement avec Taïwan, une ligne rouge pour la Chine. Mais cette approche coercitive a suscité un front uni, 17 pays et les États-Unis ayant rejoint l’UE pour dénoncer ces pratiques.

Pour l’Europe, le défi est double. D’une part, elle doit maintenir la pression sur la Chine afin de protéger ses États membres et ses entreprises. D’autre part, elle doit éviter une rupture complète avec Pékin, son principal partenaire commercial pour les biens.

En suspendant temporairement sa procédure, Bruxelles pourrait gagner du temps pour renforcer son dossier tout en explorant des voies diplomatiques pour désamorcer les tensions. Cependant, cette stratégie n’est pas sans risques : une trop grande hésitation pourrait être perçue comme un signe de faiblesse par la Chine, incitant Pékin à intensifier ses mesures coercitives.

L’issue de ce litige pourrait avoir des répercussions bien au-delà des relations UE-Chine. Elle pourrait établir un précédent dans la manière dont les grandes puissances économiques gèrent les différends commerciaux à l’ère de la multipolarité.

Alors que le monde s’enfonce dans une ère de rivalités économiques exacerbées, l’UE doit jouer habilement ses cartes. Une alliance transatlantique renforcée pourrait devenir un levier crucial pour contrer les pratiques commerciales déloyales de la Chine. Mais pour cela, Bruxelles devra non seulement prouver sa détermination, mais aussi démontrer que la coopération multilatérale, incarnée par l’OMC, reste un outil efficace pour résoudre les différends mondiaux.

L’Europe est à un carrefour : concilier intérêts économiques, alliances stratégiques et valeurs démocratiques. Si elle réussit, elle pourrait établir un modèle pour les relations internationales à venir. Sinon, elle risque de se retrouver isolée dans un paysage commercial de plus en plus fragmenté.