Dans un contexte d’effondrement de l’État haïtien, marqué par la violence des gangs, l’absence d’élections et l’effondrement institutionnel depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, une page méconnue de l’histoire refait surface. En 1798, les États-Unis de John Adams ont frayé la voie à une diplomatie inédite avec Toussaint Louverture. Aujourd’hui, alors que Donald Trump redevient président en 2025, ce précédent historique pourrait éclairer un “deal haïtien” capable de changer la donne.
En pleine guerre froide avec la France révolutionnaire, le président John Adams a pris une décision audacieuse et contre-intuitive : tendre la main à Toussaint Louverture, général noir, ancien esclave devenu chef incontesté de Saint-Domingue. À l’époque, ce rapprochement s’opposait à la logique raciale dominante. Mais la géopolitique, déjà, avait ses impératifs : les États-Unis cherchaient à affaiblir Paris, sécuriser leur commerce et protéger leurs navires des corsaires français.
Aujourd’hui, Haïti est à genoux. Depuis 2021, le pays vit sans président légitime, livré à des bandes armées qui contrôlent plus de 80 % de la capitale. L’économie informelle a supplanté les institutions, l’aide humanitaire échoue à enrayer la misère, et l’exode massif des jeunes vide la nation de son avenir. La mission internationale de soutien à la sécurité, pilotée par le Kenya sous l’égide de l’ONU, peine à se déployer efficacement. Les institutions haïtiennes sont en ruine, et l’avenir paraît verrouillé.
Dans ce vide politique, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait être un tournant. Comme en 1798, une reconfiguration des intérêts stratégiques américains dans les Caraïbes pourrait rouvrir la voie à un pacte bilatéral de reconstruction, inspiré de l’ancienne diplomatie entre Adams et Louverture. Ce “deal haïtien”, qui ne serait ni humanitaire ni strictement militaire, viserait une stabilisation économique et sécuritaire conjointe, dans un cadre pragmatique de coopération mutuelle.
Trump, qui privilégie les approches transactionnelles, pourrait voir dans Haïti une opportunité de projection d’influence à bas coût, au moment où la Chine et la Russie avancent leurs pions dans le bassin caribéen. Pour Haïti, un partenariat stratégique avec Washington, à l’image de celui de 1798, offrirait un levier de survie nationale, au-delà des slogans sur la souveraineté ou des solutions néocoloniales.
Un tel partenariat devrait s’appuyer sur quatre piliers : sécurité conjointe (lutte contre les gangs, sécurisation des ports et aéroports), redéploiement des investissements privés (zones franches, énergie, agriculture durable), réforme institutionnelle sous supervision conjointe (justice, police, fiscalité), programme spécial de mobilité et de formation pour les jeunes Haïtiens
Ce nouveau paradigme suppose toutefois un aggiornamento moral : admettre qu’en 1798, malgré l’esclavage aux États-Unis, une coopération entre une république blanche et un chef noir révolutionnaire a été possible. Et fructueuse. Cette alliance d’intérêts a ouvert une brèche dans la pensée dominante de l’époque, prouvant que l’histoire n’est pas figée mais faite de bifurcations audacieuses.
Alors que la Méditerranée est saturée de crises, que l’Ukraine et Gaza captent l’attention mondiale, Haïti reste en marge. Pourtant, à 90 minutes de vol de Miami, la survie d’Haïti touche directement à la stabilité du flanc sud des États-Unis. Ignorer cette réalité serait une erreur stratégique.
Il est temps d’oser un pacte haïtiano-américain du XXIe siècle, éclairé par la mémoire de 1798, mais taillé pour les urgences de 2025. Dans une région où les alliances se redessinent, Haïti n’a pas besoin de charité : elle a besoin de partenaires lucides, prêts à miser sur sa résilience historique.
Et si, deux siècles plus tard, le retour du "pacte noir et blanc" marquait le véritable renouveau d’Haïti ?
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