Avec plus de 40 milliards de dollars investis depuis 2014 et un ancrage croissant dans les monnaies locales, la Banque de développement des BRICS redéfinit les règles du financement mondial. Lula y voit un levier stratégique pour bâtir un nouvel ordre économique plus équitable et résilient.



Née en 2014 à Fortaleza, au Brésil, la Banque de développement des BRICS (connue aussi sous le nom de "New Development Bank" ou NDB) incarne désormais bien plus qu’un simple outil financier. Pour le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, elle symbolise un tournant historique : celui de l’émancipation des pays émergents vis-à-vis des institutions dominées par l’Occident, comme le FMI ou la Banque mondiale.

Depuis sa création, cette banque d’un nouveau genre a approuvé plus de 120 projets, totalisant 40 milliards de dollars d’investissements. Des montants significatifs qui se concentrent sur les priorités concrètes des États membres : énergies renouvelables, efficacité énergétique, infrastructures de transport, transition écologique, et santé publique. Contrairement aux institutions traditionnelles, la BRICS Bank ne conditionne pas ses prêts à des réformes structurelles libérales, mais s’aligne sur les stratégies nationales de développement. Une rupture assumée.

Le Brésil a été l’un des principaux bénéficiaires de cette dynamique. Plus de 3,5 milliards de dollars y ont déjà été injectés pour soutenir plus de 20 projets, notamment dans des régions historiquement négligées. Récemment, la réactivité de la NDB face aux inondations dramatiques dans l’État du Rio Grande do Sul a démontré sa capacité d’intervention rapide en période de crise.

Mais la révolution opérée par les BRICS va bien au-delà du volume de prêts. C’est surtout le modèle monétaire qui interpelle : l’accent mis sur l’usage des monnaies locales dans les transactions financières constitue une remise en cause directe de l’hégémonie du dollar américain. Cette orientation stratégique réduit la dépendance aux taux de change volatils et renforce la souveraineté économique des pays membres, dans un contexte de résurgence du protectionnisme et de tensions géopolitiques.

Autre exemple fort de cette coopération réinventée : le soutien actif de la Banque BRICS à l’Alliance contre la faim et la pauvreté, lancée par le G20, ainsi qu’au réseau de recherche sur la tuberculose, deux initiatives qui allient urgence sociale et réponse scientifique dans une logique de coopération Sud-Sud.

À mesure que le climat mondial se complexifie — entre instabilité financière, dérèglement climatique et guerres commerciales — le rôle de la NDB pourrait devenir central. Pour Lula, cette banque est la preuve tangible qu’un autre monde est possible : « Notre banque n’est pas simplement une banque des émergents, elle est la démonstration vivante qu’une réforme de l’architecture financière mondiale est faisable. »

En s’imposant comme un acteur crédible, agile et solidaire, la Banque des BRICS pourrait bien faire basculer les équilibres mondiaux du crédit et de l’influence. Le XXIe siècle verra-t-il l’avènement d’un système multipolaire du financement international ? Le pari est lancé.