Des aveux qui confirment l’ampleur de la collusion entre figures politiques, institutions publiques et groupes criminels
Port-au-Prince, Haïti – Lors d’une audition par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), Magalie Habitant, ancienne directrice du Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS) et personnalité politique bien connue, a livré des révélations fracassantes confirmant ses liens étroits avec plusieurs chefs de gangs notoires, dont Kempès de Bel-Air et Jimmy "Barbecue" Chérizier, dans un contexte où les relations entre sphère politique et criminalité organisée alimentent une crise sécuritaire sans précédent en Haïti.
Dans son témoignage, Magalie Habitant a affirmé entretenir de « bonnes relations » avec presque tous les chefs de gangs opérant dans la région métropolitaine, soulignant notamment sa proximité avec Kempès, qui lui aurait réclamé 20 caisses de cartouches. Ces munitions de guerre, d’après elle, auraient pu être fournies par l’intermédiaire de l’ancien député Prophane Victor, moyennant la somme de 70 000 dollars américains.
Elle a reconnu avoir joué un rôle actif dans la vente de véhicules volés, ainsi que dans le trafic de marchandises détournées, en collaborant avec les réseaux criminels. Son chauffeur, Lenès Jean Philippe, aurait servi de transitaire financier, acheminant de l’argent à ces groupes armés à travers divers circuits.
Plus troublant encore, elle a déclaré être intervenue personnellement auprès d’Elionor Devallon, directeur de la CAS (Caisse d'Assistance Sociale), afin de décaisser des fonds publics destinés à Barbecue, leader du G-9, aujourd’hui sous sanctions internationales pour ses activités violentes et ses atteintes aux droits humains.
Parmi les révélations les plus compromettantes figure une négociation directe avec des gangs armés au nom de l’ex-président Jovenel Moïse, visant à obtenir la libération de ressortissants dominicains enlevés à Port-au-Prince en 2021, en échange d’une rançon d’un million de gourdes. Ces agissements confirment l’implication de l’appareil étatique dans la gestion des rapports de force avec les gangs, lesquels opèrent désormais comme de véritables milices dans certains quartiers de la capitale.
Magalie Habitant aurait également agi en tant qu’intermédiaire entre un homme d’affaires non identifié et plusieurs chefs de gangs, notamment dans le cadre de détournements de camions de marchandises. Ce dernier aurait même fait don d’un véhicule blindé Land Cruiser niveau 6 à Jeff Gwo Lwa, chef du gang de Canaan, renforçant ainsi sa capacité de nuisance sur le terrain.
Ces révélations, documentées par la DCPJ, mettent à nu l’ampleur des complicités entre certains membres de la classe politique, des agents de l’État et les gangs armés, qui contrôlent désormais une grande partie du territoire national. Elles alimentent une crise de confiance dans les institutions publiques et posent un sérieux défi à toute initiative de restauration de l’autorité de l’État, alors que le pays est plongé dans un effondrement sécuritaire, institutionnel et humanitaire.
Dans ce contexte, les appels à une enquête internationale indépendante et à des mesures judiciaires exemplaires se multiplient, tant au sein de la société civile qu’à l’échelle régionale. Haïti ne pourra entamer un véritable processus de reconstruction sans briser les chaînes de la corruption, de l’impunité et de l’infiltration mafieuse du pouvoir.


































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