Dans un rapport de 64 pages soumis au Conseil de sécurité le 9 juin 2025, un groupe d’experts des Nations Unies alerte sur l’aggravation de la situation sécuritaire et institutionnelle en Haïti, pointant une mainmise croissante des groupes armés et des dysfonctionnements graves dans la gouvernance publique.
Alors que le pays vient de marquer le premier anniversaire de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), le constat dressé par les Nations Unies jette une ombre sur les espoirs d’amélioration. Le rapport, fruit d’une enquête approfondie sur le terrain, détaille comment l’insécurité prolongée a permis à des groupes criminels de consolider leur influence sur de vastes portions du territoire haïtien, menaçant la stabilité de l’État et compromettant les perspectives de relèvement national.
Les experts notent une expansion incontrôlée des gangs, qui dictent leur loi dans plusieurs zones urbaines et rurales, paralysant l’activité économique et exacerbant les déplacements internes. Dans certaines localités, les structures officielles ont pratiquement disparu, remplacées de facto par des réseaux armés opérant avec une impunité grandissante.
Le document met aussi en lumière une corruption endémique au sein de l’appareil étatique. Des agents publics auraient utilisé leur position pour des intérêts personnels, au mépris de leurs obligations légales. Plus préoccupant encore, le rapport épingle des membres du Conseil présidentiel de transition (CPT), toujours en poste, pour leur implication présumée dans des affaires de détournement de fonds. Des allégations graves qui jettent le doute sur la sincérité des efforts de transition démocratique.
Par ailleurs, certaines activités économiques stratégiques, telles que l’exploitation des anguilles — une filière lucrative d’exportation —, feraient l’objet d’une mainmise partielle de réseaux criminels, avec la complicité présumée de figures influentes. Ces pratiques illégales affaiblissent les recettes de l’État et accentuent l’économie de prédation qui mine le pays.
Ce rapport arrive à un moment charnière, alors que la MMAS, conduite par le Kenya et soutenue par plusieurs pays, fête sa première année de déploiement en Haïti. Si la mission a permis quelques avancées sécuritaires, les experts de l’ONU estiment qu’un renforcement du soutien international, doublé d’une volonté politique interne authentique, est indispensable pour inverser la spirale du chaos.
Haïti, déjà éprouvée par des décennies de crises politiques et de catastrophes naturelles, fait face aujourd’hui à un défi existentiel. Ce rapport de l’ONU, en plus d’éclairer les zones d’ombre, envoie un signal clair : sans transparence, responsabilité et coordination effective entre acteurs locaux et internationaux, les efforts de stabilisation resteront vains.
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