Bruxelles et Ottawa inaugurent un nouveau chapitre dans la défense transatlantique. En s’alignant sur le fonds militaire SAFE de l’Union européenne, le Canada de Mark Carney affirme une volonté d’autonomie stratégique face à une Amérique de plus en plus imprévisible.
L’Union européenne et le Canada sont sur le point d’opérer un basculement géostratégique historique. À Bruxelles, ce lundi, sera signé un partenariat de sécurité et de défense entre les deux blocs, marquant une montée en puissance de la coopération bilatérale hors du cadre traditionnel OTAN-centré. Cette alliance intervient alors que le président Donald Trump multiplie les signaux de désengagement militaire vis-à-vis de l’Europe, fragilisant les certitudes d’après-guerre sur le rôle stabilisateur des États-Unis.
Pour Ottawa, l’enjeu est double. Le nouveau Premier ministre Mark Carney – économiste réputé et ancien gouverneur de la Banque du Canada puis de la Banque d’Angleterre – affiche une stratégie claire : positionner le Canada comme un acteur pivot dans la sécurité européenne, tout en ouvrant l’accès de son industrie de défense aux 150 milliards d’euros du fonds SAFE. Ce fonds est l’un des instruments phares du plan « ReArm », doté de 800 milliards d’euros, qui ambitionne de faire émerger une Europe de la défense, résiliente et technologiquement souveraine.
Même si le Canada ne pourra pas bénéficier des financements directs du programme, l’accord en discussion garantirait l’éligibilité de ses entreprises aux marchés européens de la défense. Dans un contexte de fragmentation des chaînes d’approvisionnement militaires, c’est une opportunité majeure pour l’industrie canadienne, qui pourrait renforcer sa présence sur un marché continental en quête de diversification.
L’intégration du Canada dans ce mécanisme s’inscrit dans une dynamique plus large de recomposition des alliances militaires. Alors que l’OTAN doit se réunir mardi à La Haye pour discuter d’un relèvement du seuil de dépenses militaires à 5 % du PIB, le Canada vise déjà les 2 % exigés, tandis que d'autres pays membres, comme l’Espagne, tentent d’obtenir des dérogations.
À terme, ce partenariat stratégique UE-Canada pourrait symboliser une nouvelle architecture sécuritaire occidentale, affranchie de la tutelle américaine, capable de répondre aux défis hybrides du XXIe siècle : guerres de l’information, défense énergétique, cybersécurité et militarisation de l’espace.
En misant sur une coopération structurelle renforcée avec l’Europe, le Canada anticipe un monde multipolaire où la stabilité ne sera plus garantie par un seul hégémon, mais par un réseau d’alliances économiques et stratégiques flexibles. Ce pivotement transatlantique, s’il se concrétise, pourrait bien être l’une des cartes maîtresses du mandat Carney – et une réponse mesurée mais ferme aux incertitudes générées par la nouvelle donne américaine.
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