En Haïti, les plans de développement communal (PDC) sont censés orienter la planification territoriale, impulser le développement local et renforcer la gouvernance décentralisée. Pourtant, la majorité d’entre eux restent inappliqués ou inopérants. Manque de données fiables, absence de coordination entre les acteurs et financement illusoire : autopsie d’un outil devenu décoratif.
Dans les discours officiels, les Plans de Développement Communal (PDC) sont le socle de la planification locale. Outils stratégiques de gouvernance territoriale, ils devraient permettre aux collectivités de planifier leurs investissements, leurs politiques publiques, et surtout, de répondre efficacement aux besoins des populations. Mais sur le terrain haïtien, ces plans peinent à franchir le seuil de la symbolique. Pourquoi les PDC échouent-ils à transformer les communes haïtiennes ? La réponse est multiple, mais repose d’abord sur une donnée fondamentale : on ne planifie pas sans connaissance du territoire.
Dans la majorité des communes haïtiennes, les données statistiques, démographiques, foncières ou environnementales sont obsolètes, fragmentaires ou tout simplement inexistantes. Comment bâtir un projet structurant quand on ne connaît ni le nombre d’habitants, ni les ressources disponibles, ni les vulnérabilités du milieu ? Cette carence structurelle en informations géolocalisées empêche toute priorisation cohérente des actions. Les PDC deviennent alors des documents génériques, copiés-collés entre communes, sans ancrage territorial réel.
À cela s’ajoute une absence criante de coordination interinstitutionnelle. Les ministères sectoriels, les ONG, les bailleurs internationaux et les autorités locales fonctionnent en silo. Les projets se superposent sans synergie, souvent à rebours des orientations contenues dans les PDC. Les communes sont contournées ou instrumentalisées dans des logiques d’urgence, d’image ou de clientélisme politique. Résultat : des plans déposés dans des tiroirs, sans ancrage ni suivi.
Mais même les communes les plus volontaires se heurtent à un obstacle de taille : le financement. Élaborés avec l’appui de partenaires techniques, les PDC prévoient souvent des projets ambitieux, mais sans sources de financement identifiées. L’État haïtien, en situation de faillite budgétaire chronique, n’a pas mis en place un véritable fonds de développement local. Quant aux ressources propres des communes, elles sont dérisoires. Sans dotation adéquate, les plans deviennent des vœux pieux.
Pire encore, la plupart des PDC ne prévoient pas de mécanismes de suivi-évaluation ni d’actualisation périodique. Ils s’enlisent dans le formalisme administratif, sans vie, sans mesure d’impact, sans appropriation citoyenne. Peu d’habitants connaissent l’existence même de ces plans censés façonner leur quotidien.
Dans ce contexte, il est urgent de repenser la fonction du PDC en Haïti. Cela passe par une révolution de la donnée territoriale : recensements actualisés, cartographie numérique, systèmes d’information géographique accessibles aux élus locaux. Cela implique aussi une refondation de la gouvernance locale, avec des communes renforcées en capacité, un cadre légal contraignant pour l’harmonisation des actions, et une budgétisation participative adossée à des ressources pérennes.
La réussite de la décentralisation passe par des communes capables de planifier, d’agir et de rendre compte. Tant que les PDC seront élaborés sans données, sans coordination ni financement, ils resteront ce qu’ils sont aujourd’hui : des documents de façade, témoins silencieux de la faillite de l’État dans sa mission d’aménagement du territoire.
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