Avec ORWELL : 2+2=5, Raoul Peck, maître du documentaire politique, revient en force au Festival de Cannes 2025. Cette œuvre dense et fulgurante explore les derniers mois de George Orwell et projette son roman 1984 dans le miroir acide de notre époque.
Il est de ces cinéastes qui ne filment pas pour distraire, mais pour déranger, pour éveiller, pour alerter. Raoul Peck, ce poète de la lucidité né en Haïti, revient avec un documentaire d’une force sidérante : ORWELL : 2+2=5. Sélectionné en avant-première officielle au Festival de Cannes 2025, ce film est bien plus qu’un hommage littéraire – c’est une alarme mondiale, une vigie dressée face aux dérives insidieuses du présent.
Dans ce documentaire de 119 minutes, produit par Velvet Film et Jigsaw Productions, Peck s’attaque à l’un des plus grands penseurs du XXe siècle : George Orwell. Et il ne choisit pas la voie de l’hagiographie. Avec l’élégance et la rigueur qu’on lui connaît dans I Am Not Your Negro ou Exterminez toutes ces brutes, il remonte le fil des derniers mois d’Orwell, minés par la tuberculose et l’urgence d’écrire son chef-d’œuvre : 1984.
Mais là où la plupart se contenteraient d’un récit linéaire, Peck innove. Il fait du roman une carte mentale, une grille d’analyse du monde contemporain. Grâce à une narration glaçante de Damian Lewis, des images d’archives saisissantes et une réalisation d’une puissance rare, il révèle combien les concepts de novlangue, de surveillance de masse, de double pensée ou de “vérité alternative” sont devenus le langage du présent.
La vérité manipulée, le réel réécrit, la mémoire sabordée : Orwell n’était pas un prophète. Il était un miroir, un chirurgien de l’idéologie. Et Peck, lui, devient ce passeur d’idées, ce tisseur d’alertes, ce cinéaste-éveilleur qui donne forme et chair à l’indicible.
Avec ORWELL : 2+2=5, il prouve encore une fois que le documentaire est un art, que l’image peut penser, que le cinéma peut résister. Car ici, il ne s’agit pas de raconter Orwell. Il s’agit de vivre Orwell, de se heurter à Orwell, de comprendre que la fiction dystopique s’est glissée dans les interstices de nos démocraties dévoyées.
Ce documentaire est un cri lucide, une leçon de pensée critique, une œuvre d’art au service de la vigilance. C’est aussi une œuvre haïtienne par essence : insoumise, audacieuse, debout. Car Peck, fidèle à ses racines, filme avec le feu de la révolte et l’amour inébranlable de la vérité.
En ces temps où les faits se plient à la volonté du pouvoir, où l’indifférence devient doctrine, ORWELL : 2+2=5 est une urgence. Et Raoul Peck, en artisan du réel, nous rappelle que penser reste un acte de résistance.
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