Dans les rues poussiéreuses de Port-au-Prince, entre les cendres des révoltes et l’écho des rêves inachevés, Ricardo Boucher trace des mots sur les murs, comme d’autres graveraient leur nom dans l’Histoire. Poète, performeur, militant, il fait de la poésie un fusil chargé d’espoir et de révolte, un cri qui refuse de s’éteindre.
Les rues de Port-au-Prince portent encore l’odeur du combat. Dans les fissures des murs, entre le béton usé et les balles perdues, des vers se lèvent comme des brasiers. Ricardo Boucher, enfant du tumulte, né le 8 mai 1995, a choisi d’écrire là où les larmes sèchent trop vite et où la mémoire peine à survivre. "Mon corps a l’odeur de Port-au-Prince", confesse-t-il. Une ville qui saigne et résiste.
Poète des rues et des âmes en errance, Boucher ne se contente pas d’écrire : il marche ses poèmes. À la croisée de la littérature et de la performance, il transforme les marchés, les places publiques, les cimetières en scènes improvisées où chaque mot devient un drapeau, une barricade contre l’oubli. MOLEGHAF ( Mouvement de Liberté, d’Égalité des Haïtiens pour la Fraternité), son engagement militant, n’est pas qu’un acronyme, mais une armure dans cette bataille où l’encre et la voix se substituent aux armes à feu.
Avec ses marches poétiques, ses interventions dans des festivals tels que Quatre Chemins, En Lisant, Transe Poétique, il refuse l’inertie. Il impose la parole comme un acte de résistance, un geste politique gravé sur des murs martyrisés, rappelant au monde que la poésie en Haïti est une question de survie.
Son recueil "Ni Pays ni Exil" est un manifeste où le "Je" devient "Nous", une rébellion tissée de tendresse et de feu. Ses vers dénoncent les disparitions forcées, les enfants fantômes des bidonvilles, la nuit qui s’attarde sur les espoirs d’un peuple en lutte. "La lune est portée disparue / Les larmes / Les luttes sont reportées pour une date ultérieure / et puis toutes les fleurs sont mortes", écrit-il, traçant le deuil d’une nation mais aussi l’inextinguible soif de justice qui l’habite.
Son engagement dépasse les livres et les pavés de Port-au-Prince. En 2021, à travers une résidence de Quatre Chemins, il offre la poésie en partage aux femmes incarcérées à Cabaret. En 2023, il prête sa voix aux vers de Guy Régis Jr lors de BABELICA, portant haut l’héritage de la littérature insoumise.
La poésie de Ricardo Boucher est un poing levé, une braise sous la cendre, une voix qui refuse d’être réduite au silence. Chaque mot qu’il trace sur un mur, chaque vers qu’il murmure au vent, transcende la douleur pour accoucher d’un possible.
"La poésie ! La poésie ! La poésie !", crie-t-il. Un cri qui traverse le béton, les frontières et le temps. Un cri pour dire que Haïti brûle, mais que dans ses flammes dansent encore les rêves d’un peuple debout.
Source: Ayibopost
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