La dernière Note de Politique Monétaire de la Banque de la République d’Haïti révèle une progression notable de la rentabilité bancaire au deuxième trimestre 2024–2025, masquant toutefois une érosion inquiétante de la qualité des prêts et une contraction de l’intermédiation.



Dans un climat économique toujours instable, la Banque de la République d’Haïti (BRH) dresse un tableau contrasté du secteur bancaire dans sa Note de Politique Monétaire pour le deuxième trimestre de l’exercice fiscal 2024–2025. Si les performances financières semblent encourageantes à première vue, elles dissimulent des signaux d’alerte sur le crédit, la productivité bancaire et la vulnérabilité systémique.

Le bénéfice net des institutions bancaires a progressé de 22,3 %, porté par une hausse de 2,6 % du produit net bancaire, qui atteint 9,1 milliards de gourdes. Cette amélioration tient notamment à des gains accrus sur le change (+11,7 %) et des revenus diversifiés en forte croissance (+46 %). Une rentabilité renforcée donc, mais dans un environnement où le risque prend une dimension plus préoccupante.

En effet, le ratio des prêts improductifs bruts a bondi de 10,36 % à 13,68 %, mettant en lumière une détérioration de la qualité du portefeuille de crédit. Ce glissement traduit un durcissement des conditions économiques pour les emprunteurs et un contexte sécuritaire délétère qui fragilise la capacité de remboursement des ménages et des entreprises.

L’intermédiation bancaire montre également des signes de repli. Le ratio prêts/dépôts chute à 22,51 %, contre 23,67 % précédemment. Cette dynamique indique une préférence croissante des banques pour les placements sécurisés dans les instruments de politique monétaire, notamment les bons BRH, dont les souscriptions ont augmenté de près de 30 %. Un choix qui, s’il assure la stabilité financière, freine le financement direct de l’économie réelle.

Autre élément structurant : la forte dollarisation du système bancaire. Fin mars 2025, 66,22 % des dépôts et 61,18 % des prêts étaient libellés en devises étrangères. Cette configuration accentue la dépendance du système aux fluctuations du taux de change et rend la gestion des risques plus complexe pour les institutions financières.

Ainsi, malgré des indicateurs de profitabilité positifs, le secteur bancaire haïtien doit faire face à des défis profonds : exposition accrue au risque de crédit, faible canalisation des ressources vers les secteurs productifs, et vulnérabilité liée à la dollarisation. Pour assurer une croissance économique inclusive et durable, la BRH pourrait encourager des réformes ciblées sur la relance du crédit productif, la gestion proactive des risques et une réduction progressive de la dépendance au dollar.

Dans un pays confronté à une crise multidimensionnelle, la solidité du système bancaire reste une condition sine qua non à toute ambition de relance. Encore faut-il que les signaux d’alerte soient entendus et transformés en actions correctrices concrètes.

Source : https://www.brh.ht/wp-content/uploads/NOTE-POLITIQUE-MONETAIRE-DEUXIEME-TRIMESTRE-EXERCICE-FISCAl-2024-2025.pdf