Alors que la République Dominicaine s’apprête à exploiter ses gisements de terres rares avec l’appui des États-Unis, Haïti reste spectateur de son propre potentiel minéral inexploité. Une asymétrie qui illustre un contraste frappant dans la gestion des ressources naturelles entre les deux nations partageant l’île d’Hispaniola.



La récente visite officielle de Marco Rubio, Secrétaire d’État américain, en République Dominicaine a marqué un tournant stratégique dans les relations entre Washington et Saint-Domingue. Parmi les discussions clés figurait l’exploitation des terres rares, ces éléments chimiques indispensables aux technologies modernes et hautement convoités par les grandes puissances industrielles. Avec des réserves estimées à plus de 100 millions de tonnes dans la région frontalière sud du pays, la République Dominicaine se positionne comme un acteur clé dans ce marché stratégique.

Le gouvernement dominicain, en collaboration avec les États-Unis, a déjà entamé des initiatives concrètes pour exploiter ces ressources, notamment par le biais de l’Empresa Minera Dominicaine, S.A. (EMIDOM). Cette société publique vise à structurer et moderniser le secteur minier du pays. Luis Abinader, président dominicain, n’a pas caché son enthousiasme quant à cette alliance avec Washington, déclarant que les États-Unis étaient le partenaire privilégié de son pays pour développer cette industrie d’avenir.

De l’autre côté de la frontière, Haïti reste figé dans l’immobilisme. Malgré les nombreuses études géologiques et les alertes d’experts comme Claude Prépetit, directeur du Bureau des Mines et de l’Énergie, aucune politique concrète n’a été mise en place pour explorer et exploiter les terres rares potentiellement présentes dans le sous-sol haïtien. Située en face de la province de Pedernales, la région frontalière d’Anse-à-Pîtres pourrait contenir d’importants gisements de cérium, un élément clé pour la fabrication des écrans plats, ampoules basse consommation et autres technologies de pointe.

L’absence de stratégie minière en Haïti illustre une problématique plus large : le manque de vision à long terme et de volonté politique pour transformer les ressources naturelles en levier de développement économique. Pendant que la République Dominicaine trace sa route vers un avenir industriel prometteur, Haïti demeure embourbé dans une crise institutionnelle chronique, incapable de saisir les opportunités qui se trouvent sous ses pieds.

Cette situation pourrait à terme accentuer l’écart économique entre les deux nations. En attirant des investissements étrangers et en développant des infrastructures de pointe, la République Dominicaine pourrait devenir un hub régional pour l’industrie des semi-conducteurs et des nouvelles technologies. Pendant ce temps, Haïti risque de voir ses talents et ses ressources s’éroder sans jamais en tirer de bénéfices.

Le potentiel minier d’Haïti ne se limite pas aux terres rares. Des indices de gisements aurifères ont été identifiés dans les provinces frontalières du nord, partageant des caractéristiques similaires aux riches mines dominicaines. Pourtant, l’absence d’un cadre réglementaire stable et d’une volonté politique ferme empêche toute exploitation efficace.

Face à cette réalité, il est urgent que les autorités haïtiennes prennent conscience du retard accumulé et mettent en place une politique minière ambitieuse. L’exploitation responsable et durable des ressources naturelles pourrait offrir à Haïti un souffle économique bien nécessaire, générant des emplois et des revenus pour un pays qui peine à se relever de crises successives.

L’histoire jugera la manière dont chaque nation aura su tirer parti de ses richesses naturelles. Pour l’instant, la République Dominicaine avance avec pragmatisme et stratégie, tandis qu’Haïti, faute d’action, laisse filer une opportunité précieuse de construire un avenir plus prospère.