Dans le cadre de son objectif de réaliser un million d’expulsions par an, l’administration Trump a lancé une campagne inédite visant à inciter les migrants en situation irrégulière à quitter volontairement les États-Unis — moyennant des incitations financières et la menace de sanctions sévères.
Depuis mars 2025, le gouvernement américain a dévoilé une série de mesures sans précédent pour mettre en œuvre ce qu’il appelle un programme de “self-deportation” (auto-expulsion). L’application CBP Home, anciennement utilisée pour gérer les demandes d’asile à la frontière, a été transformée en outil de départ volontaire. Les migrants peuvent désormais y enregistrer leur départ, obtenir un billet d’avion payé par l’État fédéral et toucher une prime de sortie de 1 000 dollars.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre du Project Homecoming, un décret signé le 9 mai, visant à rationaliser le processus de départ volontaire, à travers un dispositif mêlant technologie, publicité internationale (200 millions de dollars), promesses de réintégration future, et dissuasion administrative. L’objectif affiché : faire partir un maximum de personnes sans avoir à engager les coûts élevés d’une expulsion forcée, estimés à plus de 17 000 dollars par individu.
En plus de la prime de départ, ceux qui se signalent volontairement bénéficieraient d’un sursis temporaire contre l’arrestation, d’une assistance logistique et d’une possibilité — peu claire juridiquement — de revenir un jour de manière légale. Mais ceux qui refusent de quitter le territoire s’exposent à de lourdes conséquences : amendes de 1 000 dollars par jour, saisies de biens, détention dans des centres surpeuplés comme Delaney Hall à Newark, et, selon certains cas, expulsion vers des pays tiers comme le Kosovo, la Libye ou le Salvador.
Face aux descentes musclées de l’ICE dans les lieux publics, les tribunaux, ou lors des rendez-vous de citoyenneté, l’effet de panique est palpable. L’environnement devient de plus en plus hostile : coupes dans les aides sociales, partage d’informations fiscales avec les autorités fédérales, menaces de répression ciblée contre les “villes sanctuaires”, et arrestations spectaculaires filmées et diffusées. Les déploiements militaires dans certaines zones urbaines rappellent d’ailleurs les interventions les plus controversées des années 1960.
Mais malgré le battage médiatique, les résultats restent maigres. Jusqu’à présent, seuls quelques milliers de migrants auraient utilisé l’application CBP Home pour se signaler. L’expérience similaire menée sous George W. Bush en 2008 s’était soldée par un échec retentissant, avec seulement huit personnes sur 457 000 concernées ayant répondu à l’appel.
Dans d’autres pays, comme la Suède ou le Japon, des programmes d’incitation au retour volontaire (avec des primes allant jusqu’à 36 000 dollars) n’ont pas non plus réussi à convaincre massivement. En général, les migrants profondément intégrés dans les sociétés d’accueil, avec familles, emplois et enfants scolarisés, sont peu enclins à repartir.
Pour financer ce programme, l’administration Trump a détourné 250 millions de dollars du budget du Département d’État, initialement alloués à l’accueil des réfugiés. Elle a également créé un Office of Remigration, un nouveau bureau chargé de superviser les retours volontaires. Le terme “remigration”, très utilisé dans l’extrême droite européenne, fait ici une entrée remarquée dans la politique américaine.
L’administration Trump mène un “grand laboratoire” de politique migratoire : réduire les expulsions forcées coûteuses en générant une peur systémique chez les migrants sans-papiers, tout en leur offrant une porte de sortie incitative. Si cette stratégie réussit, elle pourrait redéfinir les politiques d’immigration aux États-Unis et influencer d’autres pays.
Mais si elle échoue — comme ce fut souvent le cas ailleurs — elle laissera derrière elle des milliers de familles brisées, un climat de terreur généralisé, et une image durablement écornée du rêve américain.
Source : Migration Policy
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