Un mémo du département de la Justice priorise la révocation de la citoyenneté américaine pour certains naturalisés, déclenchant une vague d’inquiétudes chez les défenseurs des droits des immigrés.
L’administration Trump a franchi une nouvelle étape dans sa politique migratoire en officialisant une directive qui pourrait changer le destin de millions d’Américains naturalisés. Un mémo publié le 11 juin 2025 par le département de la Justice (DOJ) appelle désormais les procureurs fédéraux à engager des procédures civiles de dénaturalisation contre des citoyens naturalisés ayant commis certains crimes ou ayant menti au cours de leur processus d’immigration.
Selon les estimations de 2023, près de 25 millions d’Américains sont nés à l’étranger puis devenus citoyens par naturalisation. Ce sont eux qui se retrouvent aujourd’hui au cœur d’une campagne juridique visant à révoquer leur citoyenneté, sous prétexte de fausses déclarations, de fraude ou d’implication dans des crimes graves.
L’un des points les plus controversés de cette directive réside dans le choix des procédures civiles, où les accusés n’ont pas droit à un avocat commis d’office et où le gouvernement bénéficie d’un seuil de preuve plus bas que dans les affaires criminelles. Cela signifie qu’un citoyen naturalisé peut potentiellement perdre sa nationalité sans bénéficier des protections juridiques garanties dans un procès pénal classique.
Le mémo énumère dix priorités pour les poursuites en dénaturalisation, incluant les crimes de guerre, les abus graves des droits humains, les cas de fraude médicale ou financière, ainsi que les fausses déclarations lors de la demande de naturalisation. Il vise également les personnes affiliées à des gangs ou jugées comme constituant une menace persistante pour la sécurité nationale.
Dans le même temps, la division des droits civiques du département de la Justice – historiquement dédiée à la lutte contre la discrimination raciale – est utilisée pour appliquer des ordres exécutifs présidentiels qui redéfinissent ses objectifs : fin des programmes DEI (diversité, équité, inclusion), arrêt des soins pour les personnes transgenres, et même poursuites contre des juges fédéraux ayant bloqué des expulsions de migrants.
Cette offensive contre les droits civiques et les protections migratoires s’accompagne de tensions internes. D’après un rapport de NPR, 70 % des avocats de la division des droits civiques auraient quitté leurs postes entre janvier et mai 2025, dénonçant un détournement de mission au service d’agendas politiques.
Le 13 juin dernier, une première décision a été rendue : un juge a ordonné la révocation de la nationalité d’Elliott Duke, un vétéran militaire britannique naturalisé, reconnu coupable de diffusion de contenus pédopornographiques qu’il n’avait pas révélés au moment de sa naturalisation.
Si certains estiment que des cas aussi extrêmes justifient une telle mesure, les défenseurs des droits des immigrés s’inquiètent d’un précédent dangereux. Pour Sameera Hafiz, directrice politique de l’Immigration Legal Resource Center, « c’est une manière de créer une seconde classe de citoyens américains. »
L’avertissement est clair : la citoyenneté américaine obtenue par naturalisation pourrait ne plus être définitive. Alors que le gouvernement renforce ses outils numériques et législatifs pour cibler les immigrés, cette politique marque un tournant majeur, plaçant des millions d’Américains dans une situation juridique fragile – et rappelant qu’aux États-Unis de Trump, même le rêve américain peut être réversible.
Source : The Guardian
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