Des dizaines de familles migrantes, principalement originaires d’Afrique lusophone, dorment désormais sous des tentes après la destruction de leurs habitations précaires à Loures, en périphérie de Lisbonne, suscitant un tollé national et international.
Le Portugal, souvent salué pour sa politique d’accueil et d’inclusion, fait face à une crise humanitaire qui jette une ombre sur son image. Depuis le début du mois de juillet 2025, les autorités locales ont entrepris la démolition de maisons de fortune construites par des migrants sans papiers dans plusieurs campements informels situés dans la banlieue nord de Lisbonne, notamment dans les quartiers de Talude et de Loures.
Malgré une injonction judiciaire ordonnant l’arrêt immédiat des démolitions, plus de 50 familles ont été expulsées de force. Leurs maisons, faites de bois, de tôle et de matériaux récupérés, ont été rasées au bulldozer, laissant des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants livrés à eux-mêmes, vivant désormais au milieu des gravats, des meubles brisés et des débris.
La décision des autorités municipales a été fermement condamnée par des députés du Parti socialiste au pouvoir, Amnesty International, ainsi que par de nombreuses associations de défense des droits humains. Ces organisations dénoncent une action brutale, menée sans alternative crédible, ni relogement suffisant pour les personnes concernées.
« On a détruit nos vies en quelques heures. J’ai tout perdu », confie Mamadou, un travailleur migrant guinéen, installé à Talude depuis trois ans. Il explique avoir été contraint de construire un abri de fortune après des années de précarité. Gagnant 870 € par mois sur les chantiers de construction, il ne pouvait plus faire face aux loyers exorbitants de la région lisboète, où le logement devient inaccessible même pour les salariés à plein temps.
En toile de fond, la crise révèle l’échec des politiques de logement et l’impact direct de la hausse spéculative des loyers à Lisbonne, alimentée par le tourisme, les investissements étrangers et l’urbanisation accélérée. Les migrants, souvent employés dans les secteurs les plus durs de l’économie — construction, nettoyage, restauration — sont parmi les premières victimes de cette pression immobilière.
À Loures, seule une poignée de personnes déplacées a reçu une offre d’hébergement temporaire, laissant des dizaines de familles sans solution. L'absence de plan de relogement global, combinée à l’absence de statut légal pour de nombreux occupants, rend la situation encore plus dramatique.
L’affaire met également en lumière les discriminations systémiques auxquelles sont confrontés les migrants africains lusophones, dont beaucoup viennent du Cap-Vert, de Guinée-Bissau ou d’Angola, liés historiquement au Portugal. Si ces migrants jouent un rôle essentiel dans l’économie portugaise, ils restent en marge des politiques publiques et souffrent d’une exclusion persistante, notamment en matière de logement, de santé et de régularisation.
Le gouvernement portugais, sous pression, a promis une enquête sur les événements de Loures. Mais les critiques s’amplifient, et de nombreuses voix appellent à un moratoire immédiat sur les expulsions forcées et à la mise en place d’une stratégie nationale d’inclusion pour les migrants vivant dans des conditions précaires.
Pendant ce temps, à quelques kilomètres des palaces et des quartiers touristiques de Lisbonne, des familles dorment à la belle étoile, sur les ruines de ce qui fut leur unique refuge. Une crise silencieuse, mais emblématique des contradictions de l’Europe face à l’immigration et au droit à un logement digne.
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