Les États-Unis accentuent la pression sur les pays jugés non coopératifs en matière de gestion migratoire et menacent d’imposer de sévères restrictions de visa.



WASHINGTON — Dans un virage diplomatique musclé, l’administration américaine a officiellement adressé un avertissement à Haïti et à 35 autres pays, principalement situés en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes. D’après une note confidentielle consultée par le Washington Post, ces États disposent d’un délai de 60 jours pour répondre aux exigences de Washington en matière de sécurité migratoire, sous peine de voir leurs ressortissants frappés par des sanctions sévères, incluant la suspension de délivrance de visas pour les États-Unis.

Le document, signé par le secrétaire d’État Marco Rubio, ordonne aux ambassades américaines concernées de recueillir dans les plus brefs délais des plans d’action concrets visant à corriger les manquements identifiés : absence de systèmes fiables de délivrance de documents d’identité, mauvaise gestion des flux migratoires, taux élevé de dépassement de visa, et manque de coopération dans le rapatriement des ressortissants expulsés.

Parmi les pays mis en cause figurent une majorité d’États africains comme le Nigeria, l’Angola, l’Égypte, mais aussi des nations asiatiques comme le Cambodge et des pays caribéens, dont Haïti, Sainte-Lucie et Saint-Kitts-et-Nevis. Haïti est régulièrement cité par l’administration Trump comme ne coopérant pas pleinement au processus de rapatriement de ses ressortissants expulsés.

Washington reproche également à certains gouvernements une forme de complaisance à l’égard d’activités jugées “anti-américaines”, voire “antisémites”, menées par certains de leurs ressortissants sur le territoire américain. Ces accusations viennent durcir le ton d’une diplomatie migratoire de plus en plus coercitive.

Dans un geste qui suscite déjà une vague de critiques, les États-Unis ont suggéré que ces pays acceptent d’être désignés comme « pays tiers sûrs ». Cela signifierait accueillir des migrants expulsés des États-Unis — y compris ceux qui ne sont pas originaires du pays hôte — un dispositif déjà décrié pour ses implications éthiques et juridiques. Ce type d’accord, souvent imposé à des États fragiles, bouleverse les normes internationales en matière de droit d’asile et de souveraineté.

Cette annonce fait suite à une série de mesures déjà mises en œuvre début juin par l’administration Trump, visant notamment l’Afghanistan, la Libye, le Yémen, l’Iran et à nouveau Haïti, pays régulièrement en tête de liste des réprimandes américaines sur les questions migratoires.

Derrière ces mesures se dessine une stratégie claire : faire de la coopération migratoire un levier de contrôle diplomatique et économique. Le mémo du Département d’État mentionne d’ailleurs que les conséquences pourraient dépasser le simple cadre des visas : aides bilatérales, partenariats sécuritaires, programmes d’échanges… autant d’outils de pression potentiels dans les mains de Washington.

Face à cette injonction, les pays ciblés sont placés devant un choix difficile : accepter les exigences américaines au risque d’être perçus comme se pliant à une logique de domination, ou refuser et subir un isolement diplomatique et économique renforcé. Pour des États souvent en situation d’instabilité interne ou de dépendance à l’aide extérieure, le dilemme est particulièrement aigu.

Ce durcissement américain en matière de politique migratoire pourrait bien redéfinir l’équilibre géopolitique mondial. En liant étroitement immigration et diplomatie, Washington trace une nouvelle ligne de fracture entre partenaires fiables et États jugés défaillants. Une stratégie qui, selon plusieurs experts, risque d’accroître les tensions internationales et de fragiliser davantage les pays déjà en difficulté.